Pierre-Yves Jeholet (MR), du quatrième au premier pouvoir


Dans Dans l'actu On débat
Julien Beauvois

Pierre-Yves Jeholet

Tchantchès et Nanesse, une citation de Nelson Mandela, un tableau parodiant la couverture d’un Tintin re-titrée «Pierre-Yves au Congo». Sur les murs aussi bleu-libéral que le reste de cet appartement converti en siège de la fédération provinciale du MR, son patron s’y expose en portrait chinois.

Les deux marionnettes mythiques de Liège, posées derrière son bureau, rappellent à Pierre-Yves Jeholet ses origines. «On est toujours attaché à un territoire quand on fait de la politique». L’originaire de la région verviétoise se souvient avoir toujours été passionné par la politique, et par «les gens». «Je me suis engagé dans une maison de jeunes dans mon village, j’étais coordinateur du club de foot dans lequel je jouais : c’est déjà une forme d’engagement.» Après son droit et une licence de communication à l’Université Catholique de Louvain, il commence sa carrière comme journaliste dans les médias locaux, Le Jour-Le Courrier, puis Radio-Ciel. «J’ai été amené à toucher à tout. J’ai été journaliste sportif, puis politique». On comprend alors mieux l’hommage au reporter de fiction accroché au mur.

Carrure de ministre

Celui qui n’a jamais caché son attrait pour le monde politique, et déclare voter MR depuis ses 18 ans, franchira le pas après une rencontre décisive. «A la radio, j’ai interrogé beaucoup d’hommes et de femmes politiques. En 1995, Didier Reynders m’a contacté. Je l’avais déjà interviewé, on se connaissait un peu, mais pas bien.» Le nouveau chef de file des libéraux cherche alors un attaché de presse. Le jeune journaliste hésite : «si on s’engage en politique, c’est difficile de revenir vers le métier par la suite… Pendant vingt-quatre heures, ça tourne dans ma tête». Le libéral convaincu finit par suivre Didier Reynders, qui devient ministre en 1999, avec l’ancien journaliste comme chef de cabinet. En 2001, il est élu au conseil communal de Herve, un siège qu’il n’a jamais quitté, puis devient bourgmestre de la ville entre 2012 et 2017. S’ensuivent des allers-retours entre les parlements fédéral et régional, jusqu’à sa nomination au ministère de l’économie wallon en 2017. Il est enfin élu ministre-président de la Fédération Wallonie-Bruxelles en 2019. Un long CV politique pour celui qui «n’y pensait pas du tout» trente ans auparavant.

Sa longévité politique est pour lui symbole «d’expérience, une force tranquille». Se plait-il a se comparer à Mandela, l'icônique président Sud-Africain, symbole de liberté et de sagesse ? Le ministre-président nuance : «On a besoin d’expérience dans un parti, mais un politique plus jeune sera, je pense, plus écouté, ou fera passer plus facilement un message que moi à 55 ans». Car de sa carrure ministrable, il met un point d’honneur à ne pas s’abaisser aux campagnes médiatiques pour draguer la jeunesse: «je ne ferai jamais une danse sur Tik Tok pour séduire les jeunes. Il faut leur parler avec un programme et des messages qui les concernent, en leur donnant de l’espoir. Un peu de rêve aussi, de l’insouciance».

Libéral populaire

La pandémie de Covid, le début du conflit en Ukraine, l’inflation, les inondations : Pierre-Yves Jeholet a vécu toutes les crises en première ligne, comme ministre-président de la FWB. Fier de son bilan, il est désigné pour mener la liste MR aux élections fédérales. «Pendant quinze ans j’ai fait le choix de me consacrer à la Région. Le parti a eu la conviction que j’étais le candidat le mieux armé sur cette circonscription, probablement par rapport à ma notoriété», préféré au sortant Daniel Bacquelaine. Le bourgmestre de Chaudfontaine, qui avait ramené trois sièges au MR en 2019, poussera cette fois la liste. Pierre-Yves Jeholet, qui avait, lui, rassemblé lors des dernières régionales deux fois plus de voix sur son nom propre que la tête de liste socialiste aux régionales, affiche ses ambitions : remporter un siège de plus, et défier un PS dominant dans la province, comme en Wallonie.

Une situation qui déplait particulièrement au libéral de toujours: «Je ne charge pas la gauche. Je dis simplement que le paysage politique francophone est à gauche, même à l'extrême gauche, avec le PTB, avec des écolos qui sont quand même très très à gauche». Face aux «50 nuances de gauche» souvent pointées du doigt par son président Georges-Louis Bouchez, Pierre-Yves Jeholet assume son programme: «J'ose affirmer que notre projet de société est très différent de celui de la gauche. Sur le travail, la sécurité, la lutte contre la toxicomanie, la petite délinquance…» Et tant pis s’il bouscule l’opinion sur son passage: «On est dans une société aujourd’hui qui est exigeante, et critique. J’ai tellement envie de dire à tous les gens qui donnent des leçons : "Venez dans l’arène, présentez-vous. Et vous verrez que ce n’est pas si facile, que le politique ne peut pas tout régler"».

Tout naturellement

Reste que lui colle à la peau une image dure, froide, et rigide. Le libéral justifie simplement une posture responsable: «je suis un homme politique, pas un clown. La politique, il faut la prendre au sérieux». Pour révéler au grand public «un gars qui sait drôlement faire la fête, et fidèle en amitié», le père de deux enfants de 24 et 26 ans autorise la publication d’un recueil de témoignages de ses proches : Pierre-Yves Jeholet, tout naturellement, écrit par une conseillère en communication proche du MR et spécialiste de l’exercice, paru en novembre. Aux procès en communication électorale, la tête de liste fédérale MR anticipe : «Le projet date de l’avant Covid, il a été reporté par la crise». Un bain de jouvence pour l’image publique du cinquantenaire. Pierre-Yves Jeholet aime se lancer sans filet. «Dans la vie, il faut toujours choisir : privilégier la sécurité, ou dire "on verra bien". Voilà mon tempérament : il ne faut jamais rien regretter».

 

Retrouvez nos autres portraits politiques:

Sarah Schlitz, Ecolo et sans regrets

Les 12 travaux de Vanessa Matz (Les Engagés)

Du Aldi de Herstal à la Chambre, l'ascenceur social de Nadia Moscufo (PTB)

Freddy Debarsy (DéFi), nouvelle tête mais âge mûr

Frédéric Daerden (PS): des bancs de HEC au siège du parti

Partager cet article