Journal d'un hyperactif confiné


Dans En forme
Joaquim Dupont

Crédit photo : PlusLexia.com

Dès les premières discussions sur une probable mise en application d’un confinement généralisé, les interrogations et les angoisses se sont multipliées. Quelle(s) réaction(s) pour un hyperactif comme moi, face à cette situation inédite, et à première vue incompatible avec mon incapacité à rester en place ?

À l'heure où j'écris ces lignes, le 15 avril de l’an de grâce 2020, après 28 jours de confinement, je pense toujours avoir toute ma tête. Le combat interne n’est pas de chaque instant, il s'avère beaucoup plus sournois que cela. Il s’apparente à une malaria psychologique, avec ses périodes supportables et ses accès de douleur, imprévisibles et diablement douloureux. Certains jours et heures ressemblent à s’y méprendre à leur version standard. D’autres, au contraire, semblent provenir d’un espace-temps aux antipodes du nôtre, où les minutes durent des éternités.

Un environnement clément

Dans mon malheur, je remercie le ciel, les instances supérieures, s’il en existe, et la terre entière pour ma situation privilégiée : je vis cette période dans mon appartement avec ma copine. Vu que ma colocataire est rentrée chez ses parents au Luxembourg, nous disposons donc d’un chez-nous calme et spacieux. Le seul manque reste bien sûr un jardin, ou même une terrasse, pour pallier la carence de vitamine D que le confinement occasionne.

Une vie ordinaire

On aurait pu imaginer un bouleversement complet de nos habitudes. Je crois pouvoir dire avec certitude que ces premières semaines montrent qu’il n’en est rien. Courses, tâches ménagères, horaire de (télé)travail classique pour ma copine, alternance étude-sport-gaming pour moi… en soi rien de neuf. Avec comme opportunités positives, une rare occasion d’aiguiser mes talents culinaires et notre culture cinématographique, au rythme d’un film par soirée. « De quoi puisse-t-il bien se plaindre ? », me direz-vous ?

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Le côté obscur de la force

Dans cette vision dichotomique de la quarantaine, les avantages se heurtent évidemment aux inconvénients. A l’instar de la fameuse saga intergalactique Star Wars, le côté obscur du confinement est puissant, très puissant. Tout en espérant ne pas y succomber comme Anakin, force est de reconnaître que je me sens particulièrement démuni face à ses armes, j’ai nommé Ennui et Solitude.

Ennui pointe le bout de son nez au bout de la troisième ou quatrième partie de Fifa[1], après la énième page d’un roman, ou, de façon beaucoup plus évidente, un vendredi soir, ou un dimanche après-midi ensoleillé.

Solitude, quant à elle, accomplit son œuvre funeste en week-end principalement, manque de sortie oblige. En semaine aussi, les soirées du mardi et mercredi par exemple, en temps normal synonymes de Champion’s League avec les copains, se retrouvent fortement dépourvues d’intérêt.

Les bouées de sauvetage.

Le quotidien de nombreux enfants atteints d’A.D.H.D.[2] est souvent caractérisé par une activité sportive intense, solution logique pour leur permettre de canaliser leur énergie. Il fut le mien également, à tel point que le sport occupe aujourd’hui encore une place prépondérante dans mon emploi du temps (entre 10 et 15h par semaine). Par quelconque providence ou coïncidence, mes frères et moi préparions le lancement de notre propre salle de fitness. Je dispose donc d’une salle de sport privée, qui prend en ce moment des allures d’oasis. Et pour être parfaitement sûr de bien me dépenser, j’ai repris la course à pied, discipline avec laquelle j’entretiens une relation d’amour/haine assez particulière.

Enfin, il serait injuste de ne pas rendre hommage à deux points de repères dans l’agenda de la semaine : Top Chef et Koh-Lanta[3]. Le premier touche en plein cœur mon amour sans faille pour la nourriture. Le deuxième offre une escapade exotique, agrémentée par un esprit de compétition et bien évidemment, les violons et mélodrames stéréotypiques d’une chaîne de télévision privée.

Dans un monde qui va très vite, trop vite parfois, le confinement bouscule les perspectives. Au bout du compte, une seule solution : relativiser. Les lamentations et autres formes de négativité n’accéléreront pas les révolutions de la Terre autour du soleil. L’hyperactif ne vit pas une situation plus difficile que les autres, il en ressent juste, par moments, plus fort les effets. Lui, comme les autres, doit accepter la réalité de cette période avec philosophie, et toujours avec reconnaissance pour ceux qui se battent en première ligne.

 

[1] Célèbre jeu vidéo, une simulation virtuelle de football

[2] En anglais, Attention Deficit Hyperactivity Disorder : terme regroupant un large ensemble de maladies neurologiques causant troubles de l’attention et hyperactivité.

[3] Respectivement diffusés en Belgique le lundi et le vendredi.

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