L'expectative des regards innocents


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Élise Tahay

Photos : Élise Tahay

Haute comme 3 pommes, la petite fille s’agrippe de toutes ses forces au pantalon d’un homme. « Papa, papa ! » Des larmes coulent sur ses joues encore menues. Une puéricultrice accourt pour retirer ses mains qui veulent tant rester accrochées. Ce n’est pas son papa…

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Avec ses 4 étages et son jardin,  la crèche Les Bouts d’Choux a l’aspect d’une maison familiale. Située dans la province de Namur, ouverte 24h sur 24, elle propose l’accueil d’enfants pour les parents qui travaillent en horaire décalé. Parmi eux, on trouve un autre groupe d’enfants, peu connu de notre société, qui attend et espère tous les jours l’arrivée de papa et maman. Cette structure permanente est également un SASPE (Service d’Accueil Spécialisé de la Petite Enfance). Sur demande d’une instance judicaire, celle-ci accueille 12 enfants, appelés poupons, dont la santé physique ou mentale est mise en danger.

Blessures indélébiles

« Les puéricultrices ne peuvent pas combler les vides, elles ne remplacent pas les parents ». Cette pensée formulée par la directrice de la crèche Les Bout d’Choux, Madame Malotaux, résume toute la difficulté de s’occuper de poupons. Les puéricultrices sont de véritables équilibristes. Jongler entre les besoins des poupons et ceux des autres enfants n’est pas simple mais toutes affirment que « l’expérience vient avec le temps ».

Un poupon a besoin de beaucoup d’attention. Cœur fragilisé, en demande d’amour, il peut exprimer sa détresse à travers des réactions telles que cesser de s’alimenter, ne montrer aucune émotion ou encore être prêt à s’accrocher au premier venu… « En tant que nounou de référence, je m’occupe d’un poupon âgé de 8 mois qui est trop raide. Cela impacte son développement psychomoteur. Il a des séances de kiné pour y remédier. Cette raideur est certainement due à son vécu », confie une des puéricultrices en donnant le biberon au poupon.

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Le temps ne pourra pas tout effacer…

Madame Malotaux ouvre la barrière de sécurité pour me faire entrer dans la pièce de vie des grands bébés (entre 12 et 18 mois). Des dinosaures et des paniers en plastique traînent un peu partout sur le parquet et le petit toboggan. Deux puéricultrices sont assises auprès de 12 enfants étonnés de voir arriver une inconnue sur leur terrain de jeux.

Cependant, Martin (nom d’emprunt) n’a pas hésité une seconde à venir se jeter entre mes jambes. Martin est un poupon qui est arrivé ici suite à des violences dans son foyer familial, la toxicomanie et l’incarcération de sa maman. Séparé de sa petite sœur placée en famille d’accueil et ses parents qui ne veulent  pas le voir, il  n’a aucun contact avec sa famille.

« Son  comportement est inquiétant, il serait capable de partir avec toi alors qu’il ne te connaît pas », déplore une des puéricultrices. Durant toute la matinée, Martin ne joue pas et reste assis près de moi. Il veut à plusieurs reprises arracher mon bloc-notes et tend ses petits bras pour que je le porte. Si je me lève, croyant que je pars, il se met à pleurer. Comme tous les poupons, Martin a ce regard innocent d’un enfant qui n’attend qu’à être aimé. Et pourtant, j'ai dû partir sans lui.

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