Arbitrage : carton plein pour Bertrand Layec


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Valentin Raskin

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Mis hors-jeu par les scandales entourant le Footgate en 2018, c’est la grimace de trop pour l’arbitrage belge. Une chirurgie complète d’un système ridé s’impose. Zoom sur le nouveau visage des hommes en noirs, aux traits bien plus fins. 

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Fin 2018, un grand frisson saisit le monde du football belge. Les révélations des échanges téléphoniques mêlant le sulfureux agent de joueur Dejan Veljkovic aux deux référés Bart Vertenten et Sébastien Delferière font froid dans le dos. Le contenu de ces derniers glace le sang de tous les amoureux du ballon rond. La corruption s’immisce au bal de la Pro League. Un invité dont la fédération se serait bien passé.

Matchs truqués, arrangements entre « amis », l’arbitrage belge vient de prendre un uppercut monumental. Ses deux meilleurs combattants se retrouvent à terre, accablés par des décisions frauduleuses qui concordent avec les enregistrements des enquêteurs. Le KO est total et, pour les professionnels comme pour les amateurs, les contusions sont nombreuses. C’est toute une profession qui se retrouve groggy.

« Contrairement à un joueur qui peut exploser sur quelques mois, l’arbitre a besoin de plusieurs années »

L’appel à un ami

Quelques semaines plus tard, Bertrand Layec, ancien arbitre international français, vient à la rescousse d’un navire arbitrale belge qui sombre sous un torrent de critiques et d’interrogations. Ce naufrage s’érige en point d’orgue d’une décennie à oublier.

Nommé directeur technique de l’arbitrage belge, l’entrée en fonction de Layec ne se fait pas dans les meilleures conditions. Mais l’homme a des ressources. Après dix années de travail acharné, il a remis sur pied l’arbitrage français. Alors pourquoi ne pas donner un coup de main chez ses voisins du nord ? En ce sens, le choix de la fédération d’intégrer quelqu’un de totalement étranger aux récents évènements est judicieuse. L’ancien arbitre ne se concentrera que sur ce qu’il se passe dans le rectangle vert. « Je suis arrivé avec un état d’esprit complètement ouvert sur la situation sportive » se souvient Bertrand Layec. « Sur le plan juridique et politique, je n’avais aucune idée de l’avancée des opérations ».

Un vent de fraicheur qui amènera une brise d’ondes positives, une sorte de renaissance dans l’approche arbitrale de ces hommes. Accompagné de Peter Bossaert et David Elleray, l’ancien arbitre dévoile son modus operandi pour les années à venir. Un masterplan ambitieux qui prend l’ancien modèle à la gorge. Les changements visent la préparation athlétique, physiologique mais surtout mentale. Car oui, nos arbitres belges avaient déjà du talent il y a 3 ans. Il leur manquait ce fameux déclic psychologique comme l’avance Bertrand Layec : « Il y avait un gros retard sur la capacité à se rendre compte de ses propres qualités, d’être persuadé que l’on pouvait gérer n’importe quelle situation. C’était ma première mission ».

Aujourd’hui, après deux ans de rendez-vous dans le cabinet du docteur Layec, quel diagnostique peut-on poser sur l’arbitrage au sein de notre royaume ? Il va bien. Merci pour lui. Sans aucun doute, la plus grande réussite du directeur technique est d’avoir stabilisé une organisation bancale. « Ces deux années, j’ai été très focus sur la recherche d’un équilibre au plus haut niveau pour ensuite pouvoir travailler sereinement explique-t-il. C’est comme un club, si l’équipe première marche, tout roule ».

« La grande qualité de ce masterplan, c’est que l’on a un focus double à la fois sur la base et le haut niveau »

Fini l’arbitrage à mi-temps

Désormais, d’autres chantiers peuvent être entamés. A commencer par le statut professionnel des arbitres qui représente une avancée majeure dans le développement de ce fameux masterplan. Si, à l’heure actuelle, douze référés ont le statut semi-professionnel, la fédération comme la Pro League font de gros efforts financiers pour accentuer cette professionnalisation. D’après Bertrand Layec, le travail porte ses fruits et, en cerise d’un gâteau bien monté, la reconnaissance pointe le bout de son nez. « Que ce soit au niveau national ou international, le travail abattu ces dernières années commence à être reconnu se félicite-t-il. Ça se ressent au travers des désignations et des performances dans les compétitions continentales ».

Tout en gardant à l’esprit ce côté pervers inhérent à la fonction d’arbitre. Une erreur, c’est toujours une erreur de trop. Elle seule marquera davantage les esprits que le reste. Dès lors, un des principaux objectifs de notre fédération est d’arriver à un taux de décisions parfait, notamment grâce à l’aide du VAR. « Aujourd’hui, on frôle les 85% de bonnes décisions, toutes décisions confondues détaille le directeur technique. L’idée avec le VAR, c’est d’arriver à titiller les 100% ». Rien d’impossible au vu des moyens désormais mis à disposition du corps arbitral.

Chez nous, le suivi des hommes en noir, qu’il soit athlétique, mental ou technique, est certainement un des plus efficace en Europe. Un environnement soigneusement cousu par la RBFA qui s’évertue à broder jour après jour l’autonomie de nos arbitres face aux progrès technologiques. « Il faut conserver à tout prix les décisions du terrain martelle Layec. L’arbitre en est le patron. C’est seulement lorsqu’il a failli de manière claire et évidente que la vidéo doit lui venir en aide ». Le prestation de Nicolas Laforge lors du dernier clasico fait office de un match référence au sein de ce modèle.

« Sans aucun doute, la plus grande réussite du directeur technique est d’avoir stabilisé une organisation bancale »

Bien entendu, à long terme, le but visé est d’être de se rapprocher des meilleurs mondiaux. Patience toutefois, un arbitre de haut niveau ne se construit pas en une année ou deux comme l’explique Bertrand Layec : « Contrairement à un joueur qui peut exploser sur quelques mois, l’arbitre a besoin de plusieurs années ». En partant de ce constat, l’anticipation est importante. Le futur se prépare au présent pour ne plus commettre les erreurs passées comme, par exemple, ce trou générationnel caractérisant la décennie 2010 où la Belgique était totalement absente au niveau européen et mondial.

Retour aux sources

Dans cette direction, il existe désormais un lien charnel entre le monde professionnel et amateur comme le vante Bertrand Layec : « La grande qualité de ce masterplan, c’est que l’on a un focus double à la fois sur la base et le haut niveau ». Chaque année, les meilleurs jeunes arbitres de moins de 25 ans des deux ailes flamandes et wallonnes sont rassemblés dans une passerelle de formation. Là, pendant un an, ils sont confrontés à la dure réalité du haut niveau afin d’être prêt immédiatement. La nouvelle génération d’arbitres en Belgique déborde de talent et les changements radicaux opérés ces dernières années n’y sont certainement pas étrangers.

Cependant, le talent est loin d’être le pilier fondateur de cette nouvelle garde. Le métier d’arbitre requiert bien d’autres compétences que le simple fait d’avoir des facilités techniques ou physiques. Un point sur lequel l’ancien arbitre international insiste grandement, lui qui veut se détacher d’un cadre technique disciplinaire jadis trop prégnant. « Je base toute ma philosophie sur une donnée majeure, ce sont d’abord des hommes, des managers avant d’être des techniciens. On ne peut pas aujourd’hui perdurer au plus haut niveau si on n’est pas un homme avec un vrai leadership, une vraie stratégie de management sur un terrain de football. »

« Le travail porte ses fruits et, en cerise d’un gâteau bien monté, la reconnaissance pointe le bout de son nez »

Tous ces ajustements ont permis à notre fédération de repartir d’une page blanche. D’entamer un nouveau chapitre d’une histoire aux péripéties trop nombreuses. A en croire Bertrand Layec, nos arbitres ont toutes les cartes en main afin que cet ouvrage devienne un best-seller. Pour y parvenir, l’arbitrage noir-jaune-rouge se devra d’exister à nouveau sur la carte du monde. « Bien sûr, nous souhaitons à terme être représentés au très haut niveau dans la durée lâche Layec, notamment via une présence dans les compétitons internationales majeures ».

Le modèle Lawrence

Parmi les forces en présences au sein du championnat, Lawrence Visser semble être le mieux armé pour répondre à ces attentes. Malgré ses 31 printemps, il est d’ores et déjà considéré comme le numéro un de notre royaume. Depuis le 9 août 2013, jour où il donna ses premiers coups de sifflet dans le monde professionnel lors du match opposant Lommel United à Westerlo, le limbourgeois fait un carton.

Récemment entré dans la catégorie UEFA 1, il est temps pour le monarque de notre Pro League de partir à la conquête du vieux continent. Petit à petit, les matchs dans les grandes compétitions s’accumulent pour lui. Mais Bertrand Layec se veut prudent et, comme à son habitude, prône la patience : « ça sera très compliqué pour lui d’être repris pour le Qatar et l’Euro 2024. N’oublions pas qu’il y a encore deux ans, il officiait en Youth League. »

Mais la direction choisie par nos instance semble être la bonne. Les progrès sont constants. En 2026, la Coupe du Monde se déroulera outre-Atlantique et Lawrence Vissera aura 36 ans. Un âge où sa maturité devrait le mener au sommet. Le rendez-vous avec son rêve américain est d’ores et déjà fixé.

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