« Life is Strange », la leçon d'un papillon


Dans Culture
Marina Quertinmont

Photo : © Dontnod entertainment 

« Life is Strange » relate le quotidien d'une photographe en herbe, Maxine Caufield et de sa meilleure amie, Chloé Price. Banale à première vue, l'histoire se pare d'extraordinaire : l'héroïne parvient à remonter le temps.

 

papillon bleu recadré

Life is Strange, épisode 1 (capture d'écran de ma propre run)

L'histoire se déroule à Arcadia Bay, une petite ville fictive des Etats-Unis. Maxine y suit des études de photographie. Sa vie bascule quand un coup de feu retentit. Sa meilleure amie s'écroule. Un papillon bleu se pose. L'intrigue décolle. Suspense, drame et couloirs du temps. Ce jeu narratif expose un phénomène surexploité mais pourtant méconnu : l'effet papillon.

L'effet papillon et la théorie du chaos

 

Qui n'a jamais rêvé de changer le passé ? Max peut voyager dans le temps. La jeune étudiante timide influence le cours des événements, pour le meilleur et pour le pire. Mais chaque action appelle une réaction. Un petit pas de travers et les conséquences s'avèrent désastreuses. C'est l'effet papillon.

Dans le domaine scientifique, ce phénomène appartient à un raisonnement plus large : la théorie du chaos. Au fil du temps, cette pensée inspire artistes, cinéastes et scientifiques dans le chef de leurs œuvres.

D'où vient cette expression ?

 

1961. Le météorologue Edward Lorenz travaille sur une modèle mathématique. Le chercheur veut prévoir la météo avec précision. Il encode ses données deux fois, par sûreté. Surprise : les conclusions divergent. Son modèle esquisse curieusement une forme de papillon. Mystère ou simple erreur de calcul ? Lorenz reste pantois. L'incompréhension passe. Eurêka. Son ordinateur a simplement arrondi les données la seconde fois. Seules quelques décimales séparent les deux résultats.

Nuances de taille

 

Lorenz comprend une leçon capitale : une moindre différence peut modifier le résultat d'une recherche. Il compare son observation au battement d'aile d'un lépidoptère, un clin d’œil à la forme de son modèle. Un papillon qui bat des ailes en Belgique peut créer une tornade au Japon. L'effet papillon est né. Il génère un « sentiment de chaos », d'où le nom de « théorie du chaos » empruntée aux mathématiques. Le contrôle des événements échappe à l'Homme.

Au fil de ses épisodes, Life is strange mobilise allégrement cette thèse, au sens propre comme au figuré. La notion se retrouve d'ailleurs dans le titre : « La vie est étrange », en français. L'étrangeté. Ce sentiment d'anormalité incarne l'effet et sa théorie.

Choix et conséquences

 

Le script de Dontnod Entertainment pèse lourd en charge émotionnelle. Meurtre, suicides et autres drames se succèdent. Rassurer une élève victime de violences familiales ou la conforter dans son impuissance sur le toit d'une école ne mènent pas au même dénouement : le joueur est le premier responsable de ses choix.

Observation, réflexion et bon sens se révèlent les maîtres-mots de l'aventure. Arcadia Bay laisse dans son sillage indices, objets et dialogues secrets. Il faut se montrer patient pour tout collecter mais le jeu en vaut la chandelle : trois fins sont déblocables.

Life is Strange enseigne en réalité une leçon : un détail insignifiant peut changer une vie. Un papillon bleu pourrait bien créer une tempête plus proche que prévu. Après tout, la vie est étrange.

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