Partie de « chasse » dans le Jardin des Tuileries


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Kévin Marc

Photos : Kévin Marc

À l’heure où les applications de rencontre ont la cote, certains hommes se hissent contre la séduction 2.0 au profit de la drague à l'ancienne. À Paris, le Jardin des Tuileries sert de terrain de jeu à des hommes en quête de rencontres rapides afin d’assouvir leurs pulsions les plus primaires.

  Le soleil se couche à peine sur les pelouses qui entourent le plus célèbre musée au monde qu’une étrange faune envahit les lieux. À deux pas du Louvre, on remarque une trentaine d’hommes seuls qui entament des va-et-vient. En pénétrant dans le dédale de haies, les regards se font pesants. Deux hommes surgissent des buissons sans même avoir pris la peine de se rhabiller correctement. Il ne faut même pas dix minutes pour se faire aborder. « Tu cherches quoi ? ». « Tu veux me sucer ? ». Questions crues, brutales. On comprend rapidement ce qu’ils recherchent. 

kevin Marc

Les allées du Labyrinthe du Louvre en fin d’après-midi

« Tout le monde vient aux Tuileries »

« Ici, tu trouves de tout. Que ce soit le mec qui sort du bureau pour décompresser de sa journée, le jeune de cité qui n’ose pas s’inscrire sur les applis de rencontre par peur qu’on le reconnaisse, ou le mec marié qui n’a plus de plaisir avec sa femme. Tout le monde vient aux Tuileries », confie Abdel (prénom d’emprunt), plombier de 32 ans. Quand on regarde les hommes qui arpentent les sentiers, on remarque la diversité des participants. Un quarantenaire en costume- cravate, un jeune en survêtements de sport, ou encore un vieillard avec sa canne. « Ce qu’il y a de bien ici, c’est que tu trouves de tout. Des rebeux, des renois, des latinos. Y a même des touristes qui viennent ici l’été ! », confirme Fabien (prénom d’emprunt), agent immobilier de 28 ans, en couple depuis 6 ans avec une femme. 

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Les sous-sols du labyrinthe où les hommes s’adonnent à des parties fines

Le regard, l’arme absolue

Pour harponner sa proie, les règles sont simples. Une succession de regards insistants suivis d’un petit signe discret de la tête. Aujourd’hui, Fabien, l’agent immobilier, est venu avec une idée bien précise. Il cherche un mec de cité. Au loin, il aperçoit un homme qui correspond au profil. Maillot du PSG, jogging noir, TN [modèle de chaussures de sport NDLR], casquette vissée sur la tête. Fabien commence par le fixer. Il passe une fois, deux fois. Fabien le suit. Ils s’engouffrent dans un buisson, tout en vérifiant qu’ils ne sont pas suivis. Après 10 minutes, il revient les cheveux en bataille. « Tu vois, tout est dans le regard. Il faut que tu fixes bien le mec pour qu’il comprenne qu’il t’intéresse ». Quand on lui demande s’il n’a pas de remords vis-à-vis de sa femme, il répond : « Oh, tu sais, avec ma femme, c’est comme si on était colocataires. On fait sa vie chacun de son côté et ça marche très bien comme ça ».

Halte aux fakes !

L’avantage ici, c’est de voir à qui on a affaire. Difficile en effet d’usurper l’identité d’un autre dans la vie réelle. Un argument de poids face aux Grindr et autres Tinder qui proposent des rencontres par écrans interposés. C’est la principale raison qui pousse Antoine, étudiant en arts plastiques, à venir ici. « J’ai déjà eu la blague. Un jour j’ai traversé tout Paris pour rencontrer un mec chez lui. Sur les photos, il me plaisait vraiment. Quand je suis arrivé sur place, je te raconte pas la déception quand j’ai réalisé que c’était pas lui ».

Le contact humain

En discutant avec tous ces hommes, un élément revient sans cesse. Le contact humain. En témoigne les nombreux éclats de rire provenant des allées. « Quand tu viens ici, tu prends le temps de connaître la personne. T’apprends à cerner sa personnalité. Bien sûr, certains viennent uniquement pour faire leurs petites affaires mais la plupart prennent le temps d’échanger quelques mots avant d’entamer quoi que ce soit. Sur les applis, tout se joue sur une photo alors qu’il y a tellement plus », affirme l’étudiant en arts plastiques. Si l’on ajoute la fermeture des bars et autres lieux de rencontre due à la Covid-19, le « jardin des proies » a encore de beaux jours devant lui.

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