« Le monde arrive dans ta maison »


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Marilou Noulez

Henok, Nibras, Abdulhakim. Leur point commun ? Tous des migrants en transit en Belgique. La maison d’Alain et Fabienne ressemble à une bulle de bien-être. Annoncé dès la boîte aux lettres, ils hébergent de migrants. Ce couple leur propose de se reposer et de se laver. Avant de repartir pour leur Eldorado, l’Angleterre.

Ce soir, Henok est encore hébergé. Au moment du souper, l’Érythréen ne sait pas encore s’il tentera de passer. La nuit s’annonce difficile pour ces migrants rêveurs d’un meilleur avenir. La veille, les policiers contrôlaient le parking. Les camionneurs se méfient. La traversée sera tentée le lendemain soir. En attendant, Henok remplit la seule condition imposée par le couple. Le partage d’un repas. Peu importe l’heure, Alain et Fabienne tiennent à rencontrer,  à discuter avec leur locataire. Le menu suit une recette éthiopienne. Pour garder un goût de là-bas.

« J’ai l’impression d’être quelqu’un de normal, je nais à nouveau ». Un simple passage sous la douche rend à Henok son humanité perdue. Alain et Fabienne le constatent, les migrants sont toujours très soignés. Leur hygiène reste très importante. Même dans les situations les plus difficiles, ils essayent de garder un semblant de normalité. Pour des rapports sains, le respect des religions et cultures importe beaucoup. Des frictions sur certains sujets délicats et des chocs de mode de vie surgissent parfois sans ternir la relation.

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L’enfer de leur voyage

Avant d’arriver en Angleterre, certains passent par la Libye. Les viols, l’esclavage et la violence assombrissent le voyage. Hommes et femmes subissent ces exactions, les marquant psychologiquement et physiquement. La traversée vers l’Angleterre contient aussi son lot de dangers. La traversée en camion semble dangereuse, celle en bateau encore plus. Deux des anciens visiteurs de la maison sont décédés en traversant. La mafia, l’autre danger de Calais. Les passeurs proposent des canoés de fortune pour un montant astronomique. Le business pour les places dans les camions bat son plein dans la plaque tournante du trafic de migrants.

Des jeunes laissés pour compte

Les hébergés ont entre 17 et 25 ans. Ils se comportent comme tous les jeunes Belges. Leur différence ? Ils ont survécu à des pays en guerre. Fabienne, éducatrice, ne peut se résoudre à les laisser seuls. Elle se sent en colère contre le manque d’humanité de la population belge. Peu de nos compatriotes essayent d’aider ces migrants. Pourtant, n’importe quelle aide peut changer leur vie.

Le début de l’hébergement

« On a une chambre de libre, je ne veux pas avoir sur la conscience quelqu’un qui meurt de froid ». Cette pensée, formulée par Fabienne, va déterminer leur vie. Leur fille part du nid familial. Une chambre se libère. Comment l’occuper ? L’association BXLRefugees, qui cherche des solutions pour les migrants du parc Maximilien, leur propose d’héberger pour une nuit un jeune. Cette première remonte à quatre ans. Depuis, des centaines de jeunes hommes et femmes sont passés par chez eux. 

Comme une famille d’une centaine d’enfants

Fabienne confie que « le plus difficile, c’est de ne pas savoir si on les reverra un jour ». Ce couple ne s’attendait pas à s’attacher autant à ces jeunes. Mais l’expérience rend évident leurs sentiments. Le rapport qui les unit repose sur la rencontre, le partage et l’échange. Les hébergés prennent soin des hébergeurs, comme pour leurs propres parents. Une relation filiale se noue avec certains. Abdulhakim est devenu leur fils d’adoption tandis que Nibras leur filleul.

Une soirée émouvante

De ce repas ressort une vive émotion. Alain et Fabienne n’oublieront pas Henok. Ni tous les autres. Le couple photographie chaque homme et femme. Pour se souvenir de leur rencontre. Capturer ces sourires, ces joies, ces tranches de vies. Et les partager avec les suivants.

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