En visite à la prison de Lantin


Dans Dans l'actu
Valentine Pasque

Photos : Valentine Pasque

Aspect méconnu du milieu carcéral, les visites rythment pourtant la vie des détenus et de leurs proches. Se soumettant à un protocole strict, chaque jour femmes, enfants, mères et frères, se rendent aux parloirs de la prison. Comment s’organisent alors ces retrouvailles particulières, notamment en ces temps de pandémie ? Plongée dans le quotidien de l’accueil à la prison de Lantin...

Portier vu de l'intérieur 

Un protocole particulier

Une visite à la prison de Lantin, ce n’est pas une rencontre comme les autres. Pour rendre visite à un détenu, il faut se soumettre à certaines règles. Il existe un protocole particulier auquel se soumet deux fois par mois Aurélie (nom d’emprunt), venue rendre visite à son mari incarcéré. La jeune femme qui vient d’effectuer un trajet de 7 heures depuis l’Allemagne se présente devant Jean-Marc, un des portiers de la prison.  Elle lui tend ses documents d’identité, ainsi que son certificat de mariage. Le portier lui confirme sa présence sur la liste des proches autorisés à visiter le détenu. Aurélie est ensuite priée par Jean-Marc de prendre la « pose » devant la caméra. Cela dans le but de réaliser une photo pour illustrer son profil dans la base de données. On lui pose ensuite la question de savoir si elle apporte un sac de linge pour son mari. Elle n’en apporte pas cette fois. « Pas de flingues ? Pas de cocaïne, d’héroïne ?  Pourquoi venir alors Madame ! » plaisante Jean-Marc. Le ton jovial de l’homme a plu à Aurélie. « Ça fait plaisir le personnel comme vous lorsqu’on vient en prison ! », lance-t-elle alors qu’il imprime un badge qu’elle devra conserver sur elle.  

portique Portique de sécurité pour les visiteurs

Si le portier formule ce trait d’humour sur les stupéfiants, il confie plus tard que la drogue demeure un réel problème au sein de la prison. Il constate qu’« il y a beaucoup moins de visites depuis le Covid, avant on avait beaucoup d’« amis»  qui ramenaient de la drogue aux détenus, mais avec l’interdiction de contacts rapprochés, ce n’est plus possible ».

Son précieux sésame en poche, Aurélie se dirige vers les casiers de la salle d’attente des visiteurs. Elle y dépose ses effets personnels. Curieusement, elle échange également ses élégantes bottines contre de simples tongs « c’est pour le portique, il y a du métal dans les semelles », explique-t-elle. Le « portique », cela désigne le portique de sécurité sous lequel, après un bref séjour dans la salle d’attente, chaque visiteur doit passer. Les visites se déroulent selon certains créneau selon le jour de la semaine. Ainsi les visiteurs d’un même créneau se rendent conjointement dans la pièce du portique. Il s’agit de la dernière étape après laquelle les visiteurs peuvent emprunter les escaliers menant aux parloirs. Là, les visites durent 1 heure. Les détenus peuvent également parler à leurs proches via des visioconférences, plébiscitées en ces temps de COVID-19.

Des visites « sans contact »

Une heure passe. Aurélie réapparaît au « portier ». Moins joyeuse qu’à son arrivée, elle vient rendre son badge. Elle demande à Jean-Marc de lui appeler un taxi, car elle rentre en Allemagne en train. Quand on s’étonne de ce « si long chemin » que la jeune femme effectue pour venir voir son homme, elle répond simplement que « c’est normal, c’est important pour eux de recevoir de la visite ». 

En attendant son taxi, Aurélie se laisse aller à quelques confidences. La jeune femme évoque notamment la manière dont la pandémie, et l’interdiction de contacts affectent ses visites. « Les câlins, c’est ce qui manque le plus, le sexe aussi », déplore-t-elle. Une femme, accompagnée d’un enfant en bas-âge, réagit aux propos d’Aurélie. « Mon fils, est-ce normal que son père ne puisse pas le prendre dans ses bras ? ». Les deux jeunes femmes s’accordent sur ce manque de contact, un gros problème. Aurélie espère qu’ « une fois que les détenus auront eu leur deuxième dose de vaccin, les visites pourront reprendre comme avant ». En attendant ces changements, Aurélie reviendra à la prison dans 2 semaines, profiter de ces instants privilégiés avec son mari.

sacs de linge

Sacs de linge déposés à l'intention des détenus

Partager cet article