Le chat tire la langue


Dans Dans l'actu On débat
Luna Daine et Milena De Paoli

Il y a quelques jours, le projet d’urbanisme du musée du chat et du dessin d’humour a été approuvé. Agitation, prises de position... La future habitation du félin fait polémique. Une collaboration entre secteur public et privé est-elle souhaitable ?  

Suite à la demande de Luc Honorez, journaliste au Soir, le matou fait ses premiers pas sur la scène médiatique en 1983. Succès véloce : il devient la mascotte du quotidien. De la bande dessinée aux figurines, en passant par le chocolat, Philippe Geluck envahit le territoire avec son animal philosophe. Dernièrement, l’artiste a organisé une exposition intitulée « Le chat déambule ».  Il s’agit d’une série de sculptures en bronze de deux mètres de hauteur. Danseur classique, sauveteur, musicien, ces œuvres animent les Champs Élysées jusqu'au 9 juin. Après ce séjour parisien, le périple se poursuivra aux quatre coins de la France. L’atterrissage sur le territoire belge est prévu pour 2024. Fin de voyage sous le signe de l’émotion : elle marquera l’ouverture d'un musée à son effigie. Du moins, c’est ce qui était au programme.

51075610336 e7ceffc5f7 b Photo : Jean-Michel Dromard

Le projet d’un musée dédié au Chat de Philippe Geluck ne fait pas l’unanimité. Sur la table depuis dix ans, le projet vient seulement d’être confirmé. La décision ne met pas tout le monde d’accord. Une tempête de qualificatifs, plus brutaux les uns que les autres, frappent de plein fouet le dessinateur. « narcissique », « surdimensionné », « égocentrique ». À l’origine, il devait s'agir d’un élément pour « rendre plus attractif le centre-ville », selon Rudi Vervoort (PS). Mais le projet dérape et est perçu comme une provocation pour les artistes belges en demande de visibilité, dans un contexte où le secteur culturel trinque.

Appelons un chat un chat

Derrière la polémique semble se cache un démon financier. L’investissement du secteur public dans un projet imaginé par le secteur privé suscite une levée de boucliers. La région Bruxelles-Capitale a décidé d’injecter 9,38 million d’euros dans l’édifice. Cette somme serait dédiée à la sortie de terre du bâtiment. S’ajoute à celle-ci les 7,7 millions d’euros investis par Philippe Geluck. Ces montants astronomiques écœurent beaucoup d’artistes sur le point de mettre la clé sous la porte. À l’heure où la crise sanitaire anesthésie la sphère culturelle, ce partenariat public-privé suscite une foule d'incompréhensions. Les défenseurs du projet de musée d’art contemporain de Bruxelles, en rade depuis 10 ans, fulminent. À l’ombre des projecteurs, un panel d’œuvres délaissées attendent une rénovation qui ne vient pas, faute de moyens.

Comme chien et chat

Philippe Geluck tente tout de même de se défendre. Il établit sa plaidoirie sur la division de son bâtiment en trois parties. Tout l’espace ne sera pas réservé au Chat. Une zone se destinera à l'accueil des expositions d’autres dessinateurs humoristiques. Possiblement Bosc, Siné ou même Pierre Kroll (retrouvez en exclusivité sa réaction ci-dessous).

Les protestations d’une partie du peuple belge à l'égard de cette annonce ont provoqué un volte-face du dessinateur. «Je vous le dis publiquement aujourd'hui, si on trouve un meilleur usage au bâtiment, je me retire et j'abandonne le projet », promettait-il dans l'émission « C'est pas tous les jours dimanche » (RTL).

« Le Chat est un exemple de makerting »

David Leloup, journaliste d'investigation indépendant, réagit à la polémique pour Studiobus :

« Le noeud du problème, c’est les 9 millions d’euros d’argent public et le contexte dans lequel on va les allouer. Je peux comprendre tout à fait les réactions vives et opposées à cette manière de dépenser de l’argent public dans un moment où les artistes sont dans une situation complexe et où tous les lieux culturels sont fermés depuis des mois. C’est sans doute maladroit de l’annoncer à ce moment-ci. […] » Selon David Leloup, avec Le Chat, on dépasse le journalisme, pour verser dans le marketing. « Je ne connais aucun journaliste au monde qui ait créé son propre musée pour faire briller les informations qu’il a rendues publiques. En général on écrit des livres. […] Le Chat, c’est un bel exemple de marketing. Il y a des chocolats, des bics, des vêtements… C’est un personnage populaire dont le grand public s’est emparé. Il est sorti complètement de sa case dans un journal pour devenir une entité qui n’a plus rien à voir avec le journalisme. »

183100341 174322824589704 947012633701077547 n (1) © Pierre Kroll

Ce jeudi 6 mai, l’émission « Libère ta plume » recevait Pierre Kroll comme invité pour débattre de la question de la liberté de la presse. Les étudiants en journalisme ont questionné le dessinateur sur ce sujet d’actualité. Il réagit en exclusivité pour Studiobus. Voici l’extrait en vidéo :

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Youtube

Retrouvez également une synthèse de la controverse par notre journaliste Sirine El Ansari :

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