Lutter pour la sécurité des journalistes


Dans On débat
Antoine Thirion

Pour faire face aux menaces et aux plaintes, certains journalistes ont décidé de prendre le taureau par les cornes et de s'investir. Début 2019, l'association XPress voit le jour pour apporter une aide et un soutien supplémentaires aux structures déjà en place.

Difficile de définir un moment ou un acte précis marquant la génèse d'XPress. La volonté de mettre sur pied une structure épaulant le milieu journalistique en Belgique a émergé chez plusieurs acteurs des médias. On ressent un ras-le-bol général. Le mécontentement bout face aux atteintes croissantes à la sécurité.

Début 2019, Thierry Denoël (journaliste au Vif/L'Express), Mehmet Koksal (journaliste indépendant et membre de la Fédération européenne des journalistes) et Bram Souffreau (journaliste pour le site d'investigation flamand Apache) lancent l'asbl XPress. L'association vise à soutenir les journalistes, les lanceurs d'alertes et les sources victimes d'intimidations ou d'attaques à la suite de travaux journalistiques. Seuls dix pays européens disposent d'une législation protégeant les lanceurs d'alerte... Et la Belgique n'en fait pas partie.

Parmi les objectifs avancés, on retrouve la volonté de rendre publics les cas de harcèlements, de mettre en place un acharnement contre les menaces à la liberté de presse et de valoriser le droit à l'information. En termes d'assistance, on compte des soutiens financiers, mais aussi des appuis techniques et juridiques. Mise en place pour contrebalancer un manque dans le milieu, l'association se veut un relais supplémentaire à une action logistiquement compliquée.

XPress vise aussi à aider les journalistes victimes de plaintes à poursuivre leur enquête. À l'image du consortium de journalistes qui avait repris l'investigation menée par la Maltaise Daphne Caruana Galizia, assassinée le 16 octobre 2017. Comme l'expliquait Thierry Denoël au lancement de l'asbl, « il faut pousser les journalistes à rendre ces attaques publiques. Montrer que l’on est dans un rapport de force avec le politique. [...] Si on vous menace, c’est qu’il y a des raisons de creuser ».

L'Europe s'y met également

Une autre initiative en la matière émane du Conseil de l'Europe. En 2015, l'organisme lançait La Plateforme, un dispositif pour renforcer la protection et la sécurité du journalisme et des journalistes. Moins percutant et investi que XPress, le dispositif propose cependant un mécanisme solide. Il permet de signaler les atteintes sérieuses à la liberté des médias et à la sécurité du milieu au sein des États membres. Il manque encore malheureusement un levier pour passer d'un listing de cas à... leur résolution.

Les chiffres paraissent saisissants. Depuis le début de l'année 2021, 94 alertes ont été recensées sur le continent. Et seulement treize d'entre elles ont été résolues ou ont reçu une réponse de l'État. En outre, deux journalistes ont déjà été tués en un peu plus de quatre mois. À l'heure de rédiger cet article, 83 journalistes européens se trouvaient en détention. Encore une preuve que la question semble urgente à traiter. 

Partager cet article