"Pourquoi ne serait-on pas sérieux à 22 ans ?"


Dans Culture
Zoé Vermeersch

On n’est pas sérieux quand on a 17 ans. Pas très glorieux, merci Rimbaud. On se laisse griser, on divague, écrivait-il. Feignants, inintéressés, égoïstes, les jeunes ne jouissent pas vraiment d’une bonne réputation. Mais se résument-ils seulement à quelques clichés de fin de soirée? Ils se posent des questions, se mobilisent, réfléchissent le futur. Victoria Jadot représente toute une société en devenir et utilise le cinéma pour faire passer ses messages.

Jeune réalisatrice, étudiante à l’Institut des arts de diffusion à Louvain-La-Neuve, Victoria Jadot, 22 ans, fait partie du futur du cinéma. Initiée à ce milieu par ses parents, elle a réalisé un premier court métrage, Désirée. Un nouveau projet, Les rois de la jungle, est actuellement en préparation pour son travail de fin d’étude.

jadot

Studiobus : À quoi sert le cinéma, pour vous ?

Victoria Jadot : Il représente une passion, voire ma vie entière. J’ai un profond intérêt pour les personnalités que j’ai en face de moi. J’ai envie de raconter des histoires avec ça. J’ai participé à un festival à Cambridge. Un mec d’Inde et un mec d’Afrique du Sud ont aimé un film d’une belge alors que nos quotidiens sont complètement différents, avec des cultures et des cinémas différents. Ils ont réussi à être touchés, alors qu’on ne parle même pas la même langue. Comme quoi, il y a un truc qui nous dépasse, beaucoup plus que le langage.

Vous avez le sentiment que le septième art rassemble les cultures ?

Dans cette époque où, actuellement, il règne un climat de conflit, auquel on est malheureusement habitué, on se dirige vers un repli des nations sur elles-mêmes. Je sens une méfiance de l’étranger, mais quand j’étais à ce festival, j’ai ressenti la même chose qu’un indien ou qu’un canadien, et ça m’a vraiment touché.

Le cinéma va-t-il finir par sortir de ce climat de conflit ?

Ce qui me rassure, c’est que ça touche la génération au-dessus. Ce sont des scandales qui sortent d’adultes. Des gens qui sont plus âgés que nous, qui ont vécu à une autre époque, où il y avait moins de liberté d’expression, moins de liberté de la femme. Je suis assez confiante quand je vois à quel point la jeunesse se pose des questions et s’ouvre l’esprit. Même s’il est évident que nous ne vivons pas la meilleure période du monde, des changements se mettent en place, et ça me donne beaucoup d’espoir. Étant de nature totalement positive, je suis convaincue que l’on atteindra un jour le meilleur en agissant.

Comment les mentalités vont-elles évoluer ?

Je crois qu’on a un pouvoir entre les mains qui est de dénoncer, raconter et porter des messages qui touchent. Les films ont toujours été, et sont toujours, un mode de communication qui amène de l’émotion, autant que l’art en général. Un livre, une musique ou un film peut changer quelqu’un. On a ces clefs de pouvoir toucher des émotions, et de ramener plein de choses chez les gens. On peut passer des messages, pas par le biais de l’intellect, mais par le biais du cœur.

Vous préparez un court-métrage pour votre travail de fin d’étude. Quel message voulez- vous y faire passer ?

Ça parle d’une complicité entre une petite sœur et son grand frère, qui est parti faire son service militaire. Le film prend place au moment où il revient. On suit toute la soirée de retrouvailles. C’est une histoire très simple, où on a très peu accès à leur passé. On ne sait pas du tout de quel milieu social ils viennent, par exemple. Les identités du père et de la mère nous sont également inconnues. Au-delà de raconter une histoire, je voulais dresser un portrait de la jeunesse belge, celle dans laquelle je crois. Je voulais qu’il n’y ait pas de rapport avec leur origine, qu’on ne l’évoque même pas.

Comment pourriez-vous définir cette jeunesse belge?

Universelle, la jeunesse belge casse les codes, supprime les cases, remet tout en question, mais dans un sens positif. On est un peu les rois de la jungle.

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