Daphné Baiwir, l'art de troubler le spectateur


Dans Culture
Camille Pons

La jeune réalisatrice verviétoise Daphné Baiwir surprend autant qu’elle intrigue en changeant son univers de prédilection avec son dernier documentaire, « Deauville et le rêve américain ». Entretien.

Daphné Baiwir a commencé à flirter avec la caméra dès ses 5 ans. D’abord dans le mannequinat, la jeune verviétoise a rapidement été repérée par Nadine Trintignant. Elle a alors enchainé les tournages. Il y a quelques années, elle s’est lancée dans l’aventure de la réalisation. Entre courts métrages et documentaires, la réalisatrice de 27 ans n’est pas à court d’inspiration.

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Studiobus : Le public vous a connu à l’écran en tant qu’actrice. Aujourd’hui, il vous découvre comme réalisatrice. Quel déclic vous a fait passer de l’autre côté de la caméra ?

Daphné Baiwir : Au départ, le cinéma m’est un peu tombé dessus par hasard. Une fois le pied dedans, tout s’est vite enchainé. Pendant les tournages, je me suis toujours intéressée aux autres professions. Je posais des questions à tout le monde, je regardais ce que faisait le caméraman. Je me suis alors demandée : « pourquoi ne pas tenter l’expérience ? » J’ai finalement franchi le cap en 2013 avec mon premier court métrage « Danse Funèbre ». Mes autres projets ont suivi naturellement. J’en ai d’ailleurs trois en cours pour le moment.

Vous arrivez à gérer tout cela en même temps ?

Lors de la réalisation de mon premier documentaire, j’étais un peu perdue. Maintenant que je connais les mécanismes, c’est plus facile. L’expérience joue beaucoup. Tout est une question d’organisation, même si je dois avouer que ce n’est tout de même pas évident de gérer plusieurs projets en à la fois.

La grande majorité de vos réalisations tourne autour de thèmes forts (vengeance, milieu carcéral, harcèlement, etc.). Vos études de criminologie alimentent votre inspiration ?

C’est le cinéma qui a, en réalité, influencé mes études, et non l’inverse. La vengeance, surtout, m’a toujours attirée par sa puissance. L’humain a des comportements répétitifs, je voulais mieux les comprendre. En étudiant la criminologie, mon but était d’être le plus juste possible, de pouvoir au mieux dépeindre les sentiments de mes personnages. Je voulais que leurs réactions et leurs attitudes soient crédibles. On peut s’identifier à eux et ça me tient à cœur. Grâce à ces connaissances j’évite les écarts et les impairs. Il y a une démarche documentaire derrière ce choix.

Vous tentez donc d’apporter des explications aux spectateurs ?

Mon but, ce n’est pas de donner des réponses ou de transmettre des messages. Mon but est de troubler le spectateur. Qu’il ressorte avec encore plus d’interrogations qu’au départ. Le fait, par exemple, de mettre en question le mécanisme de la justice permet de se demander comment l’améliorer.

Avec votre dernier documentaire « Deauville et le rêve américain », vous sortez de cet univers. Qu’est-ce qui vous a poussé à vous en éloigner ?

Depuis toujours, je vis une partie de l’année à Deauville. Je connais donc bien ce festival. Il montre à la fois le côté glamour du cinéma américain, mais traite aussi de sujets plus profonds et sociaux : c’est surtout cela qui me plait ! Petite, j’étais déjà fan des comédies américaines, comme celles de Billy Wilder. J’ai eu cette envie de me pencher sur ce cinéma qui m’a toujours tant fascinée, je voulais en savoir plus. Je suis alors partie aux États-Unis pour lui dédier un documentaire. J’ai recueilli des témoignages venant à la fois de cinéastes indépendants, mais aussi de véritables mythes comme Michael Douglas. Pour l’anecdote, il a entre autres accepté mon invitation car c’est au festival de Deauville qu’il a rencontré sa femme ! Cette riche aventure m’a permis de réaliser un projet qui me tenait à cœur depuis longtemps. La dimension que je donnais au festival avant tout cela est aujourd’hui encore plus grande.

Après six réalisations derrière la caméra, regardez-vous toujours dans l’objectif avec la même passion ?

Oui. Ce qui compte le plus, c’est de faire ce qu’il me plait. La passion doit passer avant tout, même avant l’aspect financier. C’est vrai que c’est souvent compliqué, mais quand on veut réaliser un projet, il faut s’accrocher. On finira toujours par trouver des fonds, avec des alternatives comme le partenariat. On ne trouvera jamais un producteur qui nous financera directement sans qu’on n’ait rien fait. Ce que je veux, c’est raconter mes histoires !

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