Vu d'Asie : Coronavirus, indice de démocratie


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Cécile Vanosmael

10.708 cas en Corée du Sud. 84.302 en Chine. 0 en Corée du Nord, 0 au Turkménistan, 0 au Tadjikistan.  En Asie, le nombre de cas officiellement annoncé est proportionnel à la liberté de la presse. Le Tadjikistan (161ème au classement 2020 de Reporters Sans Frontières), le Turkménistan (179ème) et la Corée du Nord (180ème), tous trois pays « sans cas de coronavirus », illustrent cette situation. Moins la presse est entravée, plus on annonce de cas. Les journalistes libres seraient une des causes de propagation du virus ? On a du mal à y croire.

Des cas requalifiés en pneumonie

Au Turkménistan, les médias évitent le plus possible d’employer le mot « coronavirus ». La logique est simple : le concept ne peut persister sans sa dénomination. Si on ne pas dit le mot, on ignorera le phénomène.

Des événements annulés, des lieux publics désinfectés et la température de la population contrôlée peuvent passer pour des actes normaux dans un pays en confinement. Or, le Turkménistan n’a jamais officiellement annoncé de confinement. La population se questionne, mais se tait. 

Dans ce pays frontalier de l’Iran, état comptant près de 6.000 décès du COVID-19, des morts suspectes ont été rapportées. Sans jamais prononcer le mot.

Au Tadjikistan, le gouvernement ne ment pas, il requalifie. « La situation n’est pas alarmante mais on sait que des personnes sont mortes du coronavirus au Tadjikistan », rapporte au journal La Croix Olivier Ferrando, ancien directeur de l’Institut français sur l’Asie centrale. « Les résultats des tests sont trafiqués au besoin et les cas sont requalifiés en pneumonie. »

Daily NK, journal basé en Corée du Sud, rapporte également la mort de 180 soldats nord-coréens entre janvier et février, causée par des symptômes semblables à ceux du COVID-19. En Corée du Nord, seule l'agence centrale de presse nord-coréenne (KNCA) reste autorisée à délivrer des informations aux autres médias. Elle n'a bien entendu pas confirmé cette information. 

Plus de tests balistiques, que de tests médicaux

North Korea's ballistic missile - North Korea Victory Day-2013 01

En Corée du Nord, le gouvernement assume l’existence de l’épidémie. Il nie cependant la présence de cas dans le pays. Toutefois, la mauvaise foi du gouvernement n’est pas avérée. Dans chaque pays, le nombre de cas officiels ne reflète pas la totalité de ceux effectifs. Il ne s’agit que des personnes testées, souvent suspectes. Mais pour tester, il faut des tests.

Or, le système de Santé Publique nord-coréen semble un des plus pauvres de la planète. Dans les années 1990, ce système s’effondre suite à une famine et ne se relève pas. Aujourd’hui, certains hôpitaux manquent toujours d’eau courante et d’électricité. L’index de la sécurité sanitaire mondiale établi par l'université Johns-Hopkins classe la Corée du Nord 193e sur 195 pays. Seule la Somalie et la Guinée équatoriale atteignent un plus mauvais score.

Ainsi, à la date du 2 avril 2020, seules 709 personnes ont été testées pour le COVID-19 en Corée du Nord. Toutes officiellement négatives, donc. L’OMS a également confirmé la non-présence de cas en Corée du Nord le 7 avril. D’un autre côté, le pays a procédé à une dizaine de tirs de missiles depuis début mars, un record dans son histoire. Un message, comme pour dire « tout se passe normalement ».

Des mesures prises plus tôt qu’en Occident

Aéroport

La situation politique de la Corée du Nord pourrait avoir épargné des vies. Ce pays, déjà confiné par rapport au reste du monde en temps normal, a été le premier à fermer sa frontière lors du déclenchement de l’épidémie en Chine. La communauté frontalière et les personnes entrant dans le pays ont également été placées en quarantaine.

Cependant, l’économie nord-coréenne est liée à 80% avec la Chine, avec laquelle la nation partage 1.200 kilomètres de frontière. La probabilité d’une non-importation de la maladie paraît très faible aux yeux des observateurs étrangers. 

Une vérité peut en cacher une autre

Annoncer un nombre important de cas embarrasserait également la Chine. « La Chine a lancé une campagne de désinformation pour contester l'origine chinoise du virus », explique Kim Myong, ancien membre du gouvernement nord-coréen, dans une interview au  "Comité pour les droits humains en Corée du Nord".

Or, « si la Corée du Nord publiait de manière transparente ses chiffres, cela pourrait permettre de vérifier des faits, sapant potentiellement la campagne de déni et de désinformation de la Chine ».

La transparence à propos du coronavirus reste tributaire de décisions politiques. Avouer des cas revient à admettre une faiblesse dans sa gouvernance. Au Turkménistan, au Tadjikistan et en Corée du Nord, cela ne semble pas encore envisageable. Pour le moment.  

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