Épidémie ou pas, la police continue son travail


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Jérôme Koninckx

Aujourd'hui, partout dans le monde, les métiers de la santé, qui luttent contre le covid-19, sont mis en avant par les médias et les politiques. Pourtant, les forces de l'ordre, souvent vues d'un mauvais oeil par les citoyens, contribuent incontestablement, elles-aussi, à cette tâche en faisant appliquer les règles du confinement. Un inspecteur de police du service interventions à Liège s'exprime sur la difficulté de ce métier en ce temps de crise. Témoignage anonyme.

Studiobus : On entend souvent de nombreux témoignages « anti-flics », d'autant plus durant cette période de crise sanitaire. Comment expliquez-vous cette mauvaise image des policiers ?

Premièrement, je pense qu'on est plus sujet à être mis sous les spots, étant donné qu'il n'y a plus vraiment de faits divers, politiques ou économiques, à cause du covid-19, ce qui encourage certains journalistes à faire des articles sur nous pour se mettre quelque chose sur la dent. Il y a d'ailleurs eu un gros sujet avec un jeune liégeois qui avait décrié, sur la page Facebook de Philosophie Uliège, les « tortures », qu'il a reçues de la police, ce qui a également attisé la haine envers les policiers. Bien sûr, comme dans tous les métiers, certains abusent de leur pouvoir, mais il ne faut pas nous stigmatiser.

Deuxièmement, la police n'a généralement pas le vent en poupe dans bon nombre de pays. Cela peut s'expliquer par le fait que les citoyens ne connaissent pas bien les compétences du policier et pensent que l'on peut exagérer lorsqu'on leur met les menottes pour les contrôler en toute sécurité, par exemple. Ce sont des prérogatives légales que d'autres personnes n'ont pas, comme le droit d'entrer dans une habitation ou de priver quelqu'un de sa liberté. Pourtant, les sanctions ne sont pas arbitrairement distribuées et résultent d'un très long travail politique. Oui, dans le métier, il y a un côté répressif si ça dégénère, mais c'est avant tout, et surtout, du préventif.

Comment avez-vous gérer l'application des règles du confinement ?

Pendant une longue période, une circulaire ministérielle, liée aux mesures de confinement relative au covid-19, ne prenait pas en compte les mesures que pouvaient prendre les policiers pour verbaliser les citoyens qui ne respectaient pas le confinement. On ne savait pas sur quelle base légale rédiger un procès-verbal, ce qui nous a amené, au début de la crise, à faire énormément de préventif. Après, on ne s'est pas amusé à rédiger des procès-verbaux et à controler chaque passant. Généralement ce sont les personnes en grand groupe ou qui font des petites soirées qui sont les plus susceptibles d'être verbalisées, et donc sanctionnées, si ça venait à dégénérer. Maintenant, c'est bien plus difficile de veiller au bon respect des consignes du confinement étant donné que les magasins de bricolages, jardineries et parcs à conteneurs sont ouverts. Effectivement, quand on en est amenés à contrôler une personne, elle peut nous rétorquer qu'elle va chez Brico, ce qui est impossible pour nous à vérifier, alors qu'auparavant les déplacements étaient nettement plus limités.

On ne parle plus vraiment des autres délits, comme le vol ou les infractions de roulage. Pourquoi ?

Forcément ces délits existent toujours mais, vu que tout le monde est confiné, ils sont clairement moins présents. Puisque les magasins sont fermés, il n'y a plus de vols à l'étalage. Et le réaliser en grande surface semble bien plus compliqué, étant donné que le nombre de personne par mètre carré est limité, ce qui ne permet pas de se fondre dans la masse. Même principe pour les agressions ou les bagarres, vu qu'il n'y a plus de rassemblement et que les bars sont fermés, il y en de moins en moins. Donc oui, on constate une réelle baisse des délits plus « traditionnels ».

Lors des arrestations « violentes », vous êtes amenés à entrer en contact physique avec les personnes. Quelles mesures prenez-vous pour vous protéger d'une potentielle contamination au covid-19 ?

Il faut savoir qu'à Liège, au début c'était catastrophique... Tu devais continuer à faire ton travail mais sans le matériel nécessaire. Maintenant, on a du gel hydroalcoolique et des masques FFP1 et, sur chaque intervention, on met un masque et on respecte le mètre 50. Si on nous annonce qu'il y a une arrestation qui risque de dégénérer, ou s'il y a un transfert d'une personne via un combi jusqu'aux cellules, on a un sachet de masque FFP2 et des gants à notre disposition. Par contre, le métier de policier, comme celui du personnel soignant, est à risque. Même si on a peur d'être infecté, notre mission est d'entraver la propagation du virus en faisant appliquer les mesures de confinement.

J'imagine que vous devez effectuer énormément d'heures supplémentaires ?

Généralement, c'est un métier où on en effectue beaucoup. Mais, suite au Covid-19, à Liège, on est presque tous en négatif dans nos heures car, d'un côté, il y a nettement moins d'infractions « traditionnelles » et, de l'autre côté, la direction a décidé de nous faire moins travailler pour essayer de réduire notre potentielle exposition au covid-19. De plus, de nombreux commissariats sont fermés, avec tout un personnel qui peut être sollicité pour travailler à la place du service d'interventions. Il y a un grand roulement entre les policiers de Liège pour permettre à ce service de souffler un peu, car c'est le seul qui restera ouvert, même en cas de guerre. En tout cas, peu importe qu'il y ait moins de policiers : on ne s'en prend jamais aux citoyens qui respectent les mesures.

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