Vu d'Égypte : face au fléau économique


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Audrey Forman

Troisième pays le plus peuplé d’Afrique, héritière d’une civilisation au raffinement plurimillénaire, l’Égypte voit à nouveau son économie s’effondrer dans les dunes d’une misère annoncée. Après avoir souffert d’une instabilité politique endémique et subi plusieurs vagues d’attentats meurtriers, la terre des pharaons reprenait à peine des couleurs prometteuses lorsque la tempête pandémique est venue balayer ses rêves d’un redressement salutaire. Principale ressource financière, le tourisme reste le secteur le plus impacté par les crises. Depuis 2017, les destinations phares telles que Hurghada pouvaient enfin revoir leur fréquentation à la hausse. Mais depuis quelques semaines, le virus enfonce une fois encore ces habitants dans la précarité…

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Vue satellite de la Mer Rouge. Crédit : pixabay.com 

Outre ses stations balnéaires, ses hôtels de luxe et son climat idéal, l’Égypte est avant tout une terre d’Histoire, ainsi qu’un véritable carrefour de civilisations. Sa population (104 millions d'habitants), multipliée par quatre au cours du siècle dernier, est en proie à un régime politique très strict et à des difficultés socio-économiques permanentes. Un Égyptien sur trois vit aujourd’hui sous le seuil de pauvreté. À ce naufrage économique, le FMI (Fonds Monétaire International) a tenté de porter secours une première fois en 2016, en débloquant 12 milliards de dollars. Mais le bilan de ce programme semble aujourd’hui mitigé. Certains lui reprochent de n’avoir fait qu’agrandir le fossé entre les grosses fortunes du pays et les familles appauvries. 

Cet écart social, Islem E. le ressent parfaitement :

« Ma famille et moi sommes issus de la classe moyenne : mon père ne travaille pas dans un domaine lié au gouvernement. Personne ne le soutient, sauf lui-même qui subvient à ses besoins. Il possède des terres agricoles dont il s’occupe, et nous nourrit grâce à cette culture. Ma mère ne travaille pas non plus ». 

Alors, pour aider sa famille, le jeune homme à élu pour domicile un complexe hôtelier somptueux, niché au coeur d’Hurghada, la perle de la Mer Rouge. Mais lui n’est pas là pour les vacances. Chaque jour de la semaine, de 8h à 18h, Islem veille à ce qu’aucun incident n’ait lieu aux abords de la piscine. Une ou deux fois par an, il s’octroie quelques jours de congés - non payés - pour retourner voir sa famille au Caire. Pour ce travail, Islem gagne chaque mois 270 euros. À peine de quoi subsister à ses besoins. 

Le tourisme à l’arrêt 

Depuis six semaines, cet Egyptien se retrouve sans travail. Pour lutter contre la pandémie, les autorités du pays ont décrété l’arrêt des vols internationaux, impliquant la fermeture des hôtels et le renvoi des employés. Comme des millions d’autres, Islem est retourné vivre auprès des siens. Il occupe désormais ses journées en aidant ses parents dans les tâches quotidiennes, et passe du temps avec ses quatre frères et soeurs. Il ne perçoit désormais plus qu’une somme dérisoire :

« Dans ces circonstances difficiles, le gouvernement égyptien a déclaré qu’il dépenserait de l'argent pour les travailleurs irréguliers en Égypte. Et il l’a fait, mais pas beaucoup : 500 livres, soit 30 euros par mois seulement, pendant trois mois. Cela concerne les travailleurs irréguliers. Mais qu'en est-il des travailleurs du secteur du tourisme ? Plus de 3 millions de personnes sont assises à la maison. Des hôtels imposent aux employés des vacances non payées. D’autres offrent la moitié du salaire, certains seulement 15 % ».

Islem et sa famille vivent désormais grâce à leurs économies. Mais bien trop d’habitants semblent ne pas avoir la même chance. « Ici, l’argent rythme nos vies. Or, beaucoup de gens ne travaillent plus. Ces personnes n'ont pas peur du virus, mais elles ont peur de la mort, parce qu'elles n'ont ni assez de nourriture, ni assez d’argent ». 

Cette semaine, le premier ministre égyptien Moustafa Madbouli a de nouveau demandé un soutien au FMI. Reste à espérer que cette aide pourra cette fois améliorer les conditions de vie des plus démunis. En attendant, Islem reste positif : « Ma famille et moi allons bien. Nous sommes tous en bonne santé, c'est tout ce qui compte pour moi ».

 
 
 

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