Le cinéma belge dans la tourmente


Dans Culture
Clément Manguette

Alors que les autorités fédérales ont lentement et prudemment entamé le déconfinement, de nombreux secteurs restent dans l'incertitude. Parmi eux, l'industrie cinématographique belge et les salles d'exploitation, qui ressentiront la crise sur le long terme.

“C’est vraiment une sale période”, déplore Jean-François Tefnin, directeur du département tournage de Wallimage. L’industrie cinématographique belge a, à l’instar de nombreux secteurs, été frappée de plein fouet par la crise du coronavirus. “Le confinement pose deux problèmes majeurs pour l’industrie cinématographique belge. Premièrement, il y a les problèmes liés au “tax shelter”, et deuxièmement, tous les travaux de fabrication sont à l’arrêt”. Pour rappel, le “tax shelter” désigne ce mécanisme fiscal qui permet à toute entreprise investissant dans le cinéma de bénéficier d’une réduction fiscale. “Avec les entreprises qui font moins de bénéfices, elles seront moins enclines à investir dans le cinéma”, continue Jean-François Tefnin. “On ne mesure pas encore l’’impact que cela aura mais le secteur est très inquiet”.

La production entravée

Mais le financement ne sera pas le seul problème, les mesures de confinement et de distanciation sociale ont mis à l’arrêt la plupart des secteurs d’activités, et le cinéma n’est évidemment pas épargné. "Les seuls qui peuvent travailler normalement, ce sont les scénaristes. Autrement, on ne voit pas comment l’industrie pourra redémarrer avant l’été, et on ne va pas faire jouer les comédiens avec un masque”, ironise Jean-François Tefnin. Les problèmes ne disparaîtront pas d’eux-mêmes après le confinement, la question du personnel posera aussi des ennuis majeurs. “Tout le monde va redémarrer en même temps : les techniciens et comédiens seront très demandés. En plus de ça, l’interruption de l’activité pendant au moins deux mois va forcément mettre des producteurs plus modestes en faillite”. 

Les mesures de confinement ont interrompu la production d’une quinzaine de longs-métrages, sans compter les co-productions internationales, que la Belgique accueille fréquemment. “Les films prévus pour 2020 et 2021 seront forcément impactés. A notre niveau on avance un peu à l’aveugle. Mais on réfléchit et on propose des solutions en concertation avec les producteurs, le centre du cinéma de la fédération Wallonie-Bruxelles et les fonds régionaux. Avec le fédéral qui gère le “tax shelter”, et la FWB et la région qui se chargent de l’aide au cinéma, tous les niveaux de pouvoirs sont concernés. En tout cas, c’est vraiment un beau casse-tête ”, conclut Jean-François Tefnin.

L’exploitation en difficulté

Du côté des cinémas, l’incertitude est toute aussi pesante. “La période de mai-juin est d’habitude un peu plus faible, mais le confinement a débuté le 13 mars, soit juste avant la semaine de Pâques, qui incarne une bonne période nous”, regrette Catherine Lemaire, programmatrice pour les cinémas “Les Grignoux”. "En plus, c'est également la période du Festival de Cannes (reporté à une date encore indéterminée, NDLR)", ajoute-t-elle.

Au niveau de la programmation, l'institution se trouve également dans le flou. "L'exploitation des films variera selon les titres. Certains ont été reportés de plusieurs mois, d'autres qui n'ont pas pu être exploités sont sortis en VOD. On ne sait donc pas quels films seront disponibles pour la réouverture, nous sommes assez inquiets".

Quant aux modalités pratiques de la réouverture, elle devra se faire dans un premier temps avec une capacité de salle réduite, c'est-à-dire qu'un siège sur deux ou un siège sur trois par salle seront disponibles, afin d'éviter que les spectateurs soient trop rapprochés.

Pour autant, les cinémas ne sont pas laissés à l'abandon : "Nous négocions les aides avec le ministère de la culture et le centre du cinéma de la FWB. A l'heure actuelle, les subsides ont été maintenus malgré la fermeture des salles, et sur les 50 millions d'euros du fonds d'urgence, 8,4 millions seront alloués au secteur culturel. Mais on ne sait pas quelle proportion sera allouée aux cinémas", avertit Catherine Lemaire. "Ce qu'on peut dire, c'est que la reprise sera difficile. Il faudra venir dans les salles". Le rendez-vous est pris.

Partager cet article