“Pour vous, j’ai sauté de Meuse à Maus”


Dans En ville
Patrick Lima

studiobus

© Patrick Lima

En plein confinement, de drôles de visiteurs sont venus à la rencontre des habitants de la rue Henri Maus dans le Laveu. Une visite inattendue qui a égayé tout un quartier.... 

Les oiseaux se réveillent. Un bus remonte la rue déserte, le chauffeur voyage seul. Depuis plus de deux semaines la rue Henri Maus dort mais, ce mercredi matin, son sommeil semble avoir été perturbé. Au numéro 71, une porte s’ouvre. Une polaire rouge, zippée jusqu’aux menton, sort. C’est le jour des poubelles. Catherine dépose son sac jaune. En rentrant, elle tombe nez à nez avec l’un des visiteurs. Pas plus grand qu’une main, ses yeux de merlan frit la fixent, l’air amusé. Une voix fluette résonne de l’autre côté du trottoir. “Il y en a partout, d’un bout à l’autre de la rue, je n’ai jamais vu ça”  lance une voisine perchée à sa fenêtre. Catherine sourit. Accroché à sa porte, un poisson d’avril, un vrai. Tout rose, avec un joli nœud doré sur la tête. En s’approchant, elle s’aperçoit qu’il porte un message inscrit sur son dos.

“Bonjour, je m’appelle Sylvie. J’espère que vous allez bien. Pour vous, j’ai sauté de meuse à Maus. Je suis votre Poisson d’avril 2020. Prenez bien soin de vous, des autres…  et.... de moi. Que votre journée soit belle !”

 

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© Patrick Lima         

Plus haut dans la rue, un joggeur slalome entre les sacs poubelles. Tous les deux ou trois mètres, il trottine sur place. Il sourit et repart de plus belle. “Ils ont tous une couleur et une forme particulière et même un nom différent. il y en a même un qui ressemble à Némo. On ne s’attendait pas à ça même si c’est le premier avril… Ça fait vraiment plaisir !”, s’amuse Cyril. Il n’est pas seul à avoir vu sa journée embellie. Quelques numéros plus loin, Delphine profite du soleil sur le palier de sa porte. Sa tasse de café fume encore. ”Quand on est enfermé à la maison tous les jours, c’est un peu déprimant… Ce genre de petites attentions c’est mignon. Ca donne le sourire !”, s’enthousiasme Delphine. Les poissons ont égayé le quotidien des riverains. Le quartier reste désert, pourtant il semble plus vivant que jamais. 

Un chat arpente la rue. Bizarrement, il ne semble pas porter un grand intérêt à ces animaux aquatiques. C’est bien le seul. D’un bout à l’autre de la rue, les poissons nagent dans l’esprit des riverains. “C’est l'énigme du jour, on n’a pas encore commencé à enquêter… Après le petit-déjeuner on va envoyer quelques messages aux voisins, ça va occuper notre confinement”, plaisante-t-on sur le rebord d’une fenêtre. Qui se cache derrière ces poissons d’avril ? Par mail, sms ou à travers les haies de jardins, tout le monde part à la pèche aux informations. Le mystère plane. Chaque voisin semble incarner le coupable idéal. Pour Fabian c’est le geste qui compte : “Être enfermé ça nous rapproche les uns des autres. On essaie de s’entraider et de se soutenir. Ces poissons d’avril sont aussi une forme de soutien.” Plus qu’une simple farce, c’est une attention qui rapproche tout un quartier à l’heure où tout le monde est isolé. 

Durant une journée, un mystérieux farceur aura réussi à noyer le confinement dans un océan de sourires. Tous n'espèrent plus qu’une seule chose : qu’un poisson saute de nouveau “de Meuse à Maus” l’année prochaine...

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