Interview : Thibault Vetter, journaliste confiné


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Florian Schotter

Journaux distribués, interviews diffusées et éditions télévisées maintenues. Le secteur de l’information poursuit son activité et ne semble pas connaître l’impact du confinement. Pourtant, les journalistes ont dû adapter leur méthode de travail pour exercer correctement leur profession.Thibault Vetter, journaliste-pigiste strasbourgeois, témoigne des conséquences de la situation sanitaire sur son métier.

Thibault Vetter, en quelques mots :

Au cours de son master en communication scientifique de l’université de Strasbourg, Thibault Vetter effectue un stage au sein de la rédaction de Rue89 Strasbourg. Son diplôme en poche, il s’engage dans un service civique de huit mois en tant que reporter pour Alsace Nature et continue à rédiger des articles pour Rue89 Strasbourg. Depuis mai 2019, Thibault Vetter est journaliste-pigiste à temps plein et travaille pour différents médias nationaux et locaux tels que Reporterre, Libération, Rue89 Strasbourg ou Pokaa.

 

Florian Schotter : En tant que journaliste, comment se passe votre confinement ?

Thibault Vetter : Tout d’abord, j’ai fait le choix de rester dans mon appartement à Strasbourg. Comme de nombreuses personnes, j’aurais pu rentrer chez mes parents à la campagne pendant le confinement. Mais j’ai privilégié mon activité de journaliste : d’un point de vue pragmatique, c’était plus simple. Bizarrement, mon confinement est très intense. Je n’ai jamais autant travaillé que ces derniers jours. Je travaille sur plusieurs reportages en même temps pour différents médias. Mes journées ressemblent plus à du treize heures par jour que les sept heures “habituelles”.

Est-ce que le confinement a été un catalyseur de sujets pour les journalistes ?

Avec la situation, on fourmille d’idées à traiter sur une panoplie de secteurs. Je n’ai jamais vécu un événement qui modifie autant la vie des gens. De plus, la situation actuelle révèle davantage les lacunes de notre société. Les inégalités sont encore plus exacerbées. Certains employeurs abusent de la situation, comme Deliveroo ou Amazon. Il est encore plus nécessaire d’informer la population de ce qui se passe et de poser les bonnes problématiques. D’autant plus, en Alsace qui est un des principaux foyers de France. C’est dans ce type de situation que le travail journalistique prend tout son sens.

“Je n’ai jamais autant travaillé que ces derniers jours”

Avez-vous changé vos méthodes de travail ?

Mon procédé n’a pas complètement changé. Pour la proposition des sujets, je continue d’utiliser les moyens traditionnels. Par exemple, pour Reporterre, j’envoie un mail au rédacteur en chef. Pour Rue89 Strasbourg, j’appelle directement un des journalistes. Par contre, pour la collecte d’informations, j’ai dû revoir ma méthode de travail. J’attache une grande importance au journalisme de terrain. Or, impossible de le pratiquer vu la situation actuelle. Je m’adapte et je joins les personnes par téléphone ou mail. Je fais davantage de recherches bibliographiques. Cependant, lorsqu’un sujet nécessite de se rendre sur place, je le fais. Mais je demande l’autorisation à la rédaction et leur réclame un certificat de déplacement professionnel. 

Pour se rendre sur le terrain, la carte de presse n’est-elle pas suffisante ?

En théorie, pour se déplacer, les journalistes n’ont besoin que de la carte de presse. Mais c’est complètement absurde. L’Etat ne connaît pas le milieu du journalisme. Dans le secteur de l’information, de nombreuses personnes produisent un travail journalistique sans pour autant avoir la carte de presse, notamment les journalistes pigistes. Personnellement, je ne l’ai pas. Heureusement, grâce à l’attestation de déplacement professionnel, je peux continuer à réaliser un travail de terrain.

Et comment cela se passe-t-il une fois sur le terrain ?

En reportage, je reste à distance des gens. Cela peut paraître ridicule, mais lorsque j’interroge une personne, je me tiens à cinq mètres de celle-ci. Puis, je m’équipe aussi d’un masque de protection. Malheureusement, je n’ai pas de gants. Je réduis au maximum le temps d’activité en extérieur. En moyenne, mes sorties durent 45 minutes. Lorsque je me déplace, je ne m’inquiète pas pour moi. Ce qui m’effraie, c’est contaminer les gens dans la rue et de participer à la propagation du virus.

Lors de vos reportages, est-ce que quelque chose vous a particulièrement frappé ?

Sans conteste, c’est le calme qui règne dans Strasbourg. Découvrir une ville vidée de ses habitants est très impressionnant. L’ambiance anxiogène dans les supermarchés m’interpelle aussi. C’est une situation que l’on ne reverra certainement pas avant longtemps.

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