Vu d'Inde : Silent Mumbai


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Samuel Gothot

Avec 1,3 milliard d'habitants, quatorze des vingt villes les plus polluées de la planète et le record mondial de maladies respiratoires, l'Inde a des raisons de craindre le Covid-19. Le gouvernement fait tout pour éviter la catastrophe. Chronique d'un probable drame national et international.

Craignant que le virus chinois ne vienne meurtrir le peuple indien, les autorités indiennes tentent d'agir. Dans un premier temps, ce sont les gouvernements de certains Etats indiens qui interdisent les rassemblements et ferment les écoles et universités. L'Etat du Maharashtra contenant la mégapole de Mumbai n'y échappe pas. Nous sommes alors le samedi 14 mars et ce n'est qu'un début. Le lundi 23 mars, 19 des 28 Etats annoncent le confinement total tandis que tous les autres ont déjà pris des mesures de quarantaine partielle. Les transports publics sont suspendus, les frontières externes et internes sont fermées. Le confinement total du pays entier ne tardera pas et sera annoncé le lendemain pour une durée de trois semaines. Il n'y a alors que 519 cas annoncés pour dix morts. Les chiffres sont évidemment inexacts, très peu de tests ont été effectués et les infectés les moins fortunés n'ont pas la possibilité d'aller se faire dépister. Le 15 avril, le confinement sera sans doute prolongé, après une possible réouverture temporaire de la ville pour que la population puisse se ravitailler. Les indiens sont, comme les européens, dans l'attente d'une décision définitive.

Les habitants de Mumbai voient leur quotidien être bouleversé. Le premier ministre Narendra Mori a, avant le confinement, demandé de ne pas célébrer Holi, aussi appelée « fête des couleurs », prévue les 9 et 10 mars derniers. Les restaurants sont fermés, les hôtels et centres commerciaux aussi. Les trains sont à l'arrêt sauf ceux « à couchettes » qui transportent les malades pour les emmener loin de la ville, là où ils ne peuvent contaminer personne.

La police veille au grain. Elle n'hésite pas à renvoyer les quelques personnes en vadrouille chez elles, par la force s'il le faut. « Je me suis déjà fait reconduire chez moi car j'allais au marché et que cela prenait trop de temps », raconte Vignesh Shanbhag, un jeune étudiant indien. Mais les membres des forces de l'ordre sont également d'une grande aide. Ils distribuent aux plus pauvres la nourriture cuisinée par leur propre famille car se nourrir est devenu un vrai problème. Les fermiers ne peuvent plus produire autant qu'avant et la demande est telle que les prix grimpent en flèche, rendant les pauvres incapables d'acheter. Les aidants et autres gardes de sécurité sont nourris et logés par les personnes qui les embauchent. La solidarité est bien présente.

Pour se ravitailler, seuls les petits marchés de rue sont encore ouverts. Des carrés ont été dessinés au sol pour maintenir les clients à distance l'un de l'autre et éviter la contamination. Les supermarchés quant à eux ne font plus que de la livraison à domicile.

Les habitants sont agréablement surpris par certaines aspects de ce nouveau style de vie. Le ciel redevient bleu, la mer retrouve sa couleur d'antan, le chant des oiseaux se fait entendre. « J'aime vraiment bien cette ambiance. Il n'y a plus de klaxons ni de gens qui crient dans la rue, c'est très apaisant. On se croirait à la campagne alors qu'on est dans une ville de 18 millions d'habitants », explique l'étudiant.

Naufrage en vue

Mais le confinement n'a pas que des côtés positifs. Les économistes du pays annoncent une crise de grande ampleur. Les autorités ont déjà annoncés qu'elles verseront l'équivalent de 4800 euros aux familles des victimes décédées en puisant dans le fond de réserve des calamités mais cela ne suffira pas. Les travailleurs journaliers ne peuvent plus exercer leur métier et ne gagnent donc plus rien. Dans ces circonstances, leur survie est menacée et le coronavirus n'est pas leur seule crainte.

Les services de santé sont également un problème. Les experts doutent de leur efficacité car le taux de lit d'hôpital par habitant est extrêmement faible et une grande partie de la population ne dispose pas d'une assurance maladie. A Mumbai, un seul hôpital a la capacité d'effectuer les tests du coronavirus. Si 18 millions de personnes doivent s'y rendre, de nouveaux problèmes se poseront et l'issue sera autant incertaine que dangereuse.

Reste à savoir quand ce confinement s'arrêtera. Plusieurs scénarios sont envisagés et celui privilégié propose un allongement de cette période jusqu'au 13 mai. « C'est ce dont on a envie. Je suis très optimiste et je pense que l'issue sera positive. Il vaut mieux que l'on respecte les règles et que cela dure plus longtemps que de prendre des risques inutiles », confirme le jeune indien. En Inde, comme partout dans le monde, l'objectif est le même : combattre et vaincre ce virus.

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