L’étincelant come-back de la scène «drag» à Liège


Dans Culture
Salomé Chable

La Mamma Roma, cabaret de drag show emblématique de Liège ouvert en 1973, a définitivement fermé ses portes en 2012, laissant un énorme vide dans la représentation queer de la ville. Depuis, aucun collectif ou troupe n’avait repris le flambeau... jusqu’à récemment.  

show-37

Terata Mamé-Show Macrales - © Salomé Chable 

Il y a à peu près un an, l’ASBL Show Macrales a vu le jour et a insufflé un vent de fraîcheur à la Cité Ardente. Dirigé d’une main douce par Terata Mamé, le Show Macrale a pour objectif de visibiliser et de légitimer les arts queers. Initialement photographe de shows drag à Bruxelles et inspiré par les safe spaces de ce genre, il a voulu créer une ambiance de ce type à Liège afin que les drag de tous types puissent performer dans leur ville natale. À Bruxelles, même s’il existe des lieux de spectacle dédiés aux personnes LGBTQIA+, on ne connait aucune association équivalente au Show Macrales. Celle-ci fédère la communauté et met en avant ses différents talents.

Le Show Macrales n’organise pas que des cabarets : on compte des bingos drag organisés en journée et, surtout, des auberges qui permettent aux novices ou personnes non drag de venir s’essayer au maquillage et à l’habillage en toute sécurité, entourées de conseillers expérimentés. Ces lieux se veulent ouverts aux curieux, à condition qu'ils se montrent bienveillants.

show-4

  Khal Licoo - © Salomé Chable  

show-5

Midass - © Salomé Chable 

12 ans d'absence

Terata Mamé (il) Lucyfer sky (iel) Petrouchna (elle) et Midass (il/elle), artistes dans le milieu, ont partagé à Studiobus leurs impressions sur le renouveau du drag liégeois. Bien que la plupart des gens ont en tête l’image de la drag queen, en général performée par des hommes cisgenres, cet art se révèle éclectique et se décline de nombreuses manières. La nouvelle scène queer liégeoise se démarque de la scène bruxelloise par sa diversité et sa richesse. 

Lucyfer Sky, par exemple, est une personne trans qui aime s’approprier des éléments des drag kings comme des drag queens. Le Drag Quink, fusion de ces deux influences, s’allie à l’art de la drag punk créature, visible notamment à travers ses coiffures représentant des cornes diaboliques. Dans la troupe, iel n’est pas seul.e à se saisir de ces codes: Kha Lico en joue également, en ajoutant à sa tenue des ailes et des cornes confectionnées par ses soins. Il existe bien d’autres courants encore, comme les choses ou les clowns. Ces notions s'avèrent essentielles pour se figurer le renouveau de la scène liégeoise.

show-35

show-28

Lucyfer Sky - © Salomé Chable 

Difficile de ne pas se sentir perdu face à ce fourmillement. Se rendre à un drag show doit s'entreprendre sans préjugé. L'usage implique de demander son ou ses pronoms lorsqu'on s’adresse à une personne. Malgré le jargon, les Shows Macrales ont été conçus pour assurer des spectacles accessibles et inclusifs. Mamé explique: «J’essaie de produire un show ou tu peux te déconstruire en douceur. Je souhaite que la performance soit compréhensible pour le public, que même une petite mamie puisse se dire “ah, voilà une personne non binaire; voici l’importance du drag”».  

show-34

Khal Licoo - © Salomé Chable  

Réceptacles réceptifs

Le drag s'adapte à l’endroit où il est présenté, voguant du bourgeois au grand public. Dans un théâtre, le spectacle se voudra plus «classique». Au sein d'un bar, l'ambiance deviendra plus festive. Enfin, un lieu culturel, à l'instar du CPCR (centre polyculturel résistances), accueillera un show davantage politique et éducatif. La sélection des artistes s'opère aussi à l'aune de leur espace de jeu. 

test36

Terata Mamé © - Salomé Chable 

On aurait pu croire qu’après autant de temps d’absence, la relance serait timide. Que du contraire: en peu de temps, l’ASBL est déjà invitée à se produire dans des endroits renommés. Show Macrales se produira prochainement au KulturA pour l’avant-première de Chose. Le collectif sensibilise également aux questions queer, notamment dans l'optique d'éviter de mé-genrer, une question qu’iels doivent se poser au quotidien pour leur sécurité. Ces campagnes de conscientisation leur ont permis de constater que la population se révèle plus éduquée et sensibilisée qu’il n’y parait. Une transmission des codes entre intégrés et néophtyres s'opère, tissant une forme d'auto-éducation.

show-42

Petrouchna - © Salomé Chable 

Quand Mamé était à Bruxelles, des nombreux témoignages lui ont fait comprendre que Liège souffrait d'une mauvaise réputation.  Le manque d’infrastructures a contribué à la représentation négative de la Wallonie. Mais l'évolution est en marche, d'après Mamé: «Je vois une nouvelle génération qui constate que Liège est super safe». Contempler des shows mettant en scène des personnes non binaires, racisées, trans, qui y propagent des messages d’amour et de tolérance: un vecteur efficace pour concrétiser un renouveau des mœurs.

show-24

Odd Rey et Vile'em - © Salomé Chable 

Partager cet article