Busway 2 : Messie ou Judas?


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Thomas Gehenot

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La ligne de bus 48 constitue un passage quasi-obligé pour qui souhaite rejoindre le campus du Sart Tilman. Pourtant, étudiants et riverains constatent chaque jour des retards que les travaux du tram ne font qu’empirer. Pour rectifier le tir, le Busway arrive comme un phare dans la nuit... qui n'éclaire pas grand chose. Retour sur un faux départ.

Cela fait maintenant deux heures que Manon, étudiante à l'Université de Liège, vit ce qu’elle décrit comme un enfer. Ce lundi 15 avril, premier jour des travaux du Busway 2, elle s'engage à 8h30 dans un trajet qui lui donnera l’envie qu'il soit le dernier. Les usagers s’impatientent, deviennent de plus en plus agressifs, et le chauffeur du bus, lui, semble complètement perdu. Certains passagers sortent du bus, parfois en forçant les portes, et terminent leur trajet à pied. «Ça a également retardé des professeurs qui ont dû commencer leur cours en retard», ajoute-t-elle. Mais quelle est finalement l’utilité de tels travaux?

Un projet vu comme le Messie...

Une semaine plus tôt, le TEC, l’entreprise Nelles et le Comité de quartier organisent de concert une réunion d’information. Son objectif est primordial : clarifier pour tous le projet Busway, et plus particulièrement, le B2 (pour Busway 2). Censés fluidifier la circulation, ces «bus à haut niveau de service» s’inscrivent dans le Plan Urbain de Mobilité et la vision FAST, deux politiques gouvernementales de la Région wallonne. Ces nouvelles lignes de bus visent à réduire l’utilisation de la voiture, au profit de modes de déplacement plus doux, comme le vélo ou les transports en commun.

Pour accomplir cet exploit, Tony Robert, le chef du projet Busway, promet de nouvelles infrastructures. En plus d’une piste cyclable le long du tracé, les bus seront détectés à l’approche des carrefours afin que tous les autres feux passent au rouge, avec pour objectif qu’ils ne doivent jamais s’arrêter. Par ailleurs, les arrêts ne seront pratiquement plus sur les côtés de la chaussée, mais directement sur la voie, ce qui bloquera la circulation et évitera les dépassements par les voitures lors du redémarrage. Enfin, il sera désormais possible de monter à bord par toutes les portes, les paiements n’étant plus acceptés directement à l’entrée du bus. Un abonnement ou un paiement à une borne sera demandé avant de monter à bord. S’alignant le plus possible sur les horaires du tram, de 5h à 1h du matin, Tony Robert résume finalement son projet à «une mise en place de trams sur pneus». 

...qui trahit ses adeptes dès l’aube

Mais tout reste encore à faire, les travaux du B2 ayant seulement débuté ce lundi. Ils se divisent en deux phases : la montée du Sart Tilman est d’abord entamée, et ce jusqu'en septembre de cette année. Si le TEC s’attendait à quelques ralentissements les premiers jours du chantier, c'est un raz-de-marée de haine et d’incompréhension qui est revenu à ses oreilles. Des bus se retrouvent complètement piégés à l’intérieur de l’université, causant un mouvement de panique et des bouchons à n’en plus finir. Pourtant, des déviations étaient prévues afin d’éviter cette situation. Une réunion de crise est alors organisée en urgence avec les différents organes du chantier, et la police en renfort.

Plan de la déviation (1)

Un changement de parcours pourtant clair sur le papier, mais pas dans la pratique - Le Tec Busway

Comment un chaos pareil a-t-il pu survenir? La question se retrouve au bout des lèvres de toutes les personnes contactant le numéro vert dédié au projet. Se présentant comme le point de contact à privilégier pour tous ceux impactés de près ou de loin par les travaux, cette ligne a assuré la liaison avec tous les organes liés au chantier, et a tiré la sonnette d’alarme en premier. Un employé de cette ligne a confirmé au Studiobus le nombre faramineux d’appels et de mails qu’il a reçu à ce sujet. 

Les causes d'une déroute

Indépendamment des travaux, l’accès au Sart Tilman en lui-même a toujours été complexe. En témoignent les retards auxquels les usagers du TEC font face depuis des années. «Le campus du Sart Tilman est une aberration en termes de mobilité douce», dénonce un étudiant de Master en Géographie. «Sa conception s’inscrit dans une période où la voiture était perçue comme le moyen de transport à privilégier. Liège est clairement en retard par rapport à ses homologues flamands.»

La déviation a par ailleurs suscité des confusions. Les ouvriers sur le terrain ont admis que la première pose en matinée avait été défectueuse, rendant sa compréhension difficile tant pour l'ensemble des usagers. Certains bus se sont lancés sur la voie dédiée aux voitures et se sont retrouvés complètement bloqués sur le rond-point pendant plusieurs dizaines de minutes. Au numéro vert, on confirme que certains bus n’ont tout simplement pas emprunté la déviation. Mais la suivre ne solutionnait pas le blocage pour autant, témoigne un conducteur du TEC souhaitant rester anonyme : «J’ai suivi la déviation et j’atteins quand même une durée de trajet supérieure de 35 minutes à mon temps habituel. Les feux au rond-point font bouchonner la montée bien avant la déviation. En plus, on nous oblige à devoir rouler sur le trottoir». Il ajoute que certains de ses collègues se sont retrouvés découragés face à la situation et ont refusé d'assurer leur trajet. 

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Des signalisations à moitié sur la chaussée qui forcent les bus à des manœuvres risquées et entraînent encore plus de travaux

Enfin, Tony Robert déplore le déploiement d’un deuxième chantier totalement indépendant, commandité par le SPW et ayant pour but de remplacer par des LED les lampes jalonnant la bretelle d’accès à la déviation. Ces travaux n’avaient aucunement été évoqués dans les multiples réunions préalables: personne ne s’y attendait. L’Université confirme d’ailleurs cette déclaration dans un mail envoyé à tous les étudiants dans la nuit de lundi à mardi.

L’espoir demeure

Ce cas restera-t-il isolé? Les étudiants doivent-ils s’attendre à ce que ce lundi matin infernal devienne leur quotidien jusqu’à janvier prochain? Tony Robert appelle à prendre son mal en patience. Le nœud du chantier actuel, le rond-point en haut de la montée, se situe là où doivent passer les cyclistes de Liège-Bastogne-Liège ce week-end. Les corrections majeures ne pourront être entamées qu'une fois la course passée.

L'entreprise ne se tourne pas les pouces pour autant. Le 0800 se félicite d’avoir pu traiter l’entièreté des mails et des appels étant parvenus jusqu’à eux depuis hier matin. Ils rapportent au Studiobus une réduction drastique des plaintes liées aux bouchons entre hier et aujourd'hui. Des discussions sont également en cours pour permettre une potentielle utilisation des arrêts de la ligne 248. Le TEC promet toutefois avec certitude que les délais seront respectés. Fin janvier 2025 marque la date finale pour la majeure partie des travaux, avec toutefois une réserve pour de légers prolongements, si un cas de force majeure devait survenir.

Le numéro vert (0800.399.18) reste à disposition pour toute question complémentaire, et insiste sur le fait que les usagers ont voix au chapitre, en ayant la possibilité de proposer leurs propres solutions. On n'est jamais mieux servi que par soi-même?

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