Fanny Willem, l'or du commun


Dans Culture
Laura Maestre Mendez

On a poussé la porte de la bijouterie Fanny Willem, prônant l’upcycling et l’intemporel. Dans le confort de son atelier-boutique, elle dévoile ses inspirations, ses prochains projets mais également les difficultés actuelles de l’artisanat.

Fanny Willem n’a pas suivi un parcours classique. Après des stages chez divers patrons, où elle a découvert la réalité du métier, et des cours du soir au centre IFAPME de Château Massart, elle s’est lancée comme indépendante complémentaire et a travaillé à mi-temps à la bijouterie Le Coloris. Là-bas, elle laisse libre cours à sa créativité et rencontre au fil du temps ceux qui composeront sa clientèle.

Fanny Willem assemble une composition                                                                                     Fanny Willem assemble une composition de pierres - © Lara Wilkin 

La bijoutière a posé ses outils il y a quatre ans, au numéro 70 de la rue Pierreuse, dans le centre historique de Liège. Derrière cette devanture discrète se cache un atelier-boutique. «J’avais envie de montrer aux clients l’envers du décor. J'expose mon espace de création dans son état brut pour donner à voir la manière dont on fabrique», confie-t-elle. Accompagnée de son apprentie, Emyline Smeets, elle façonne des pièces uniques et retravaille des bijoux déjà existants pour leur donner une seconde vie, alliant un style épuré à des pierres précieuses et semi-précieuses. Rencontre.

Devanture

Fanny Willem assemble une composition de pierres - © Lara Wilkin 

Quelles sont vos principales sources d’inspiration? 

Je dirais qu’il faut garder l'esprit ouvert et sortir de son atelier. Aller en voyage, contempler des expos, admirer des artistes me permet de cueillir des assemblages de couleurs différentes et de m’en inspirer. Je puise aussi dans les tendances du moment. C’est important pour rester alignée sur la demande. Si la mode tend vers des pièces plus fortes, il m'incombe de les suivre pour rester proche des envies des clients. Ce qui m’amuse, c’est de mixer les couleurs et les pierres. Par exemple, à Noël, j’ai confectionné des pièces un peu plus volumineuses, ce qui sort de mes habitudes. Généralement, je réalise des créations ultra fines.

Comment vient l'idée d'un nouveau bijou?

Je vais toujours vers mes envies. Après il y a des concepts qui me viennent un peu de nulle part. J’ai eu l’idée, il y a quelques années, pour la fête des mères, de fabriquer un petit cube personnalisable avec l’initiale du prénom de son enfant sertie de sa pierre de naissance.

Création de Fanny

                                                                                                 Création de Fanny - © Lara Wilkin

Mais je trouve aussi beaucoup d’inspiration dans mon atelier. Je suis assez attirée par les vieilles pièces de bijouteries. En étant le nez dans l’établi, j’arrive à sortir des formes uniques. Comme je fabrique beaucoup de bijoux à partir de recyclage, parfois en récupérant des bijoux de famille, j’ai souvent dans ma platine des restes de pièces que je trouve jolies. Je me dis que je vais prendre cette partie-là et la mixer avec autre chose. D’une bague, je vais en faire une boucle d’oreille, par exemple.

Création de Fanny 2

Création de Fanny- © Lara Wilkin

Comment décrieriez-vous le style de vos créations? 

Je tends vers l'intemporel. Je veux réussir à créer, à partir d’une pièce dépassée, un objet indémodable, toujours en collaboration avec le client. On peut avoir des pièces d’exception, mais mon idée consiste à fabriquer des bijoux du quotidien, que les clients vont pouvoir porter plus qu’une fois par an pour une soirée. J’accepte de le faire pour des gens qui ont une boîte à bijoux qui déborde, pour qui c’est édifiant de bénéficier d'une pièce un peu extraordinaire. Mais dans l’idée, je vais tenter de concevoir des pièces de tous les jours. Ces dix dernières années, j'ai le sentiment que les gens commencent à prendre conscience de l'intérêt de l'artisanat, du local. Le circuit court a des vertus indéniables. Étant donné que je refonds l'or du client qui vient en magasin, je n'ai jamais eu à en acheter. Je l'ai toujours fait circuler.

Comment faites-vous pour lutter contre les grandes marques?

Quand tu débutes en tant qu’artisan, tu n’as encore rien fait, tu n’as rien prouvé. Les clients te demandent de faire une copie d’une bague Cartier (20 000 euros), tu dois accepter et la faire bien moins cher. Mais à l'heure actuelle, je ne l'accepterai plus jamais. J’explique à la cliente qu’elle n'aura pas la satisfaction d'avoir la bague de ses rêves. Je préfère lui dire d’économiser son argent ou alors de la racheter en seconde main. Je ne souhaite pas rentrer dans le jeu de la contrefaçon. Désormais, les clients viennent me trouver pour mon travail et non pour des dupes de grandes maisons.

Création de Fanny 3

Création de Fanny - © Lara Wilkin

Comment décririez-vous votre processus de création?

Je conçois le bijou avec le client. En général, la personne me ramène son propre or, que je fonds dans la couleur souhaitée : or jaune, blanc ou rose. Ensuite, je vais passer au laminage. C’est à ce moment-là que je donne sa forme au bijou. Une fois celle-ci définie, je vais jusqu'à l'établi et je commence l’assemblage de la pièce. La durée de création d'un bijou est impossible à déterminer car chaque pièce demeure unique. Mais par exemple, si on veut rester rentable, il ne faut pas dépasser deux heures pour fabriquer des alliances classiques.

Malheureusement, dans les écoles, on apprend à faire une paire de boucles d'oreilles en un trimestre. À moins de travailler chez Cartier, où ce sont des pièces incroyables, travaillées sur la durée et donc payées en conséquence, un tel rythme relève de l'impensable. 

L'atelier de Fanny

L’atelier de Fanny - © Lara Wilkin 

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