Organiste liturgique, au service du c(h)oeur et du sacré


Dans Culture En ville
Mathilde Varin

Photo : Mathilde Varin

Dépositaire d’une tradition tant musicale que religieuse, l’organiste liturgique met en branle un instrument fascinant et millénaire : l’orgue, monument de tubes à pédales. Il accompagne le rite, tel un acteur à part entière de la liturgie et plonge les fidèles dans un temps privilégié et sacré, au gré d’un son d’une puissance inouïe.

Un choral de la passion de Bach « O Lamm Gottes unschuldig » (Ô innocent Agneau de Dieu) résonne au milieu de la nef pendant la communion des fidèles en ce dimanche de mi-carême dans la cathédrale Saint-Paul de Liège. À côté du grand vitrail de Léon d’Oultres, qui figure la conversion de Saint-Paul, tombé à cheval en recevant l’illumination, on devine, perchés en haut du transept, les grands tubes de l’orgue de chœur.

Pour découvrir l’orgue, bien caché des regards, il faut d’abord entrer dans le cloître, emprunter un escalier en colimaçons, avant de pénétrer dans une première pièce où trône un vaste système de machinerie. Cage thoracique de l’orgue, plusieurs soufflets en accordéons envoient les vents pour faire sonner l’instrument.

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Derrière une ultime porte, une pièce exigüe apparaît où siègent la console de l’orgue avec ses trois claviers et son organiste, Joëlle Sauvenière. La musicienne et l’orgue, abrités sous les grands voutains peints de rinceaux, jouissent d’une vue prenante sur la croix.

Dans cette tribune, à hauteur des vitraux miroitants, Joëlle Sauvenière, soixante-quatre ans, accompagne depuis une vingtaine d’années les messes et célébrations qui rythment la vie de la cathédrale Saint-Paul. Elle s’installe derrière ses trois claviers pour accompagner la liturgie tant lors des temps ordinaires – les messes tous les dimanches – que pendant les grands temps du calendrier chrétien. Elle oscille pour les pièces jouées entre choix personnels et canons liturgiques, à la faveur d’une grande connaissance historique et musicale. Joëlle insiste sur la particularité du métier d’organiste : chaque orgue possède sa propre facture, une facture qui permet uniquement l’exécution de la musique de son temps. « L’organiste redécouvre à chaque fois l’instrument, ce qui rend la pratique passionnante. On ne peut pas explorer tous les orgues de la terre : il reste toujours à apprendre », explique-t-elle rêveuse. Et elle ne se contente pas d’apprendre, puisqu’à côté de sa fonction de titulaire à la cathédrale, elle enseigne piano et orgue dans les académies royales.

Ce qui l’a attirée vers le métier d’organiste c’est d’abord le son : d’une puissance inouïe, enveloppant, voire « magique ». Projetées depuis la tribune, les notes « nous tombent dessus » et plongent les fidèles dans un temps méditatif. « Je prends plaisir à offrir aux autres cet esprit de méditation, cette mélopée qui participe à la spiritualité » mesure-t-elle. Il s’agit autant d’apaisements religieux que d’accalmies profanes, que Joëlle distille pendant des concerts, comme celui en hommage à César Franck. Aucun doute : la puissance du métier d’organiste réside dans la faculté à toucher le c(h)oeur, au plus près du sacré.

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