Marie-Martine Schyns (LE) : Chemin de croix pour Les Engagés en 2024 ?


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Nathan Cloes

Photos : Adrien Huberty

Belgique 2024 : clap de fin ? [4/5]

Avec seulement cinq députés fédéraux, Les Engagés compte bien peser plus lourd à l’issue des prochaines législatives. Un objectif primordial pour la survie du parti. Marie-Martine Schyns ne le cache pas : 2024 sera en tout point une année charnière. Peut-être celle de la dernière chance !

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De socio-chrétienne à humaniste, d’humaniste à désormais affiliée au sein d’un « mouvement socio-libéral ». Cette Hervienne de 45 ans mène sa barque au sein d’un océan politique des plus tumultueux. Membre de l’opposition ou de la majorité, ministre ou simple conseillère communale, cette centriste cumule les vécus politiques.

Et si ses convictions se sont affinées au fil des années, c’est au sein d’un parti des plus changeants : PSC, CdH puis Les Engagés. Ces métamorphoses successives résultent de couacs électoraux… et pourtant l’ex-ministre dit les voir d’un bon œil. Il faut effectivement reconnaître qu’en 2002, la formule avait fonctionné auprès des électeurs. Le nouveau CdH de Joelle Milquet avait réussi à effacer la défaite électorale du PSC lors des législatives de 1999. Reste à voir si 2024 permettra une nouvelle résurrection du parti ou si, au contraire, elle sonnera la défaite de trop.

Vous fréquentiez l’enseignement libre durant votre enfance. À l’âge de 23 ans, vous vous êtes engagez au sein du Parti Social-Chrétien (PSC). Vous sentez-vous proche de ce pilier chrétien d’antan ?  

Je me sens surtout en accord avec l’idéologie centriste. Je ne me reconnais pas entièrement au sein des doctrines socialistes et libérales. Je considère toutefois les valeurs chrétiennes comme importantes. Mais je ne voulais pas finir étiquetée comme une veille catho ringarde. Car j’adhère avant tout à l’ouverture aux autres cultures et aux autres religions. En 2002, le passage au CdH m’insufflait une véritable bouffée d’air frais. Pour moi et pour le parti, nous le vivions comme une modernisation du groupe. Notamment en ce qui concerne l’égalité homme-femme.

Aujourd’hui, encore, j’adhère totalement au projet des Engagés. Notamment au niveau de la méthode. Nous organisons des assemblées politiques avec des citoyens lambdas. Ce volet participatif m’attire beaucoup.

« Je ne me revendique pas du tout comme féministe »

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À la fin de vos études supérieures, vous avez choisi de réaliser votre mémoire sur les femmes dans la poésie de Marcel Thiry. Pourquoi ce choix ?

J’ai énormément apprécié mon cours de mythanalyse. On retrouve beaucoup de poèmes sur les mythes dans la poésie de Marcel Thiry, dont un certain nombre sur le monde moderne. On identifie des mythes modernes en lien avec la femme et la voiture, par exemple. Ce sujet me parlait. Mais je ne me revendique pas du tout comme féministe. Je crois qu’on doit se battre pour l’égalité. Mais je m’oppose à ces personnes analysant tout et n’importe quoi avec le prisme féminin.

Votre parcours politique apparaît assez riche en mandatures. Que retenez-vous de toutes ces expériences ?

Je n’ai en tout cas vraiment pas aimé le poste de députée fédérale. Je venais d’accoucher et ce mandat m’est tombé dessus. Je ne me sentais pas à ma place car je travaillais sur des compétences liées au domaine de la santé publique. Mes autres mandats m’ont par contre tous apporté des choses en adéquation avec un moment de vie. J’ai pris beaucoup de plaisir en tant qu’échevine mais aussi en tant que ministre.

Lorsque vous siégiez en tant que ministre, Benoît Lutgen, votre ancien président, a déposé une motion de méfiance à l’encontre du gouvernement Magnette. Qu’en retenez-vous aujourd’hui ?

En toute honnêteté, ça n'était pas intelligent de sa part. Benoît n’arrivait plus à fonctionner à ce moment et je sais combien il est délicat d’agir dans un gouvernement où l’on n’y arrive plus. Mais Benoît a merdé au niveau de ses calculs (sic). Il s’est assuré d’obtenir la majorité à la Région avec le MR, mais il n’a pas pris en compte la Communauté, ni effectué les démarches nécessaires auprès de DéFi. C’est malheureux. Pas moyen de savoir s’il nous suivait à la Fédération !

Ça a donné des situations folkloriques. À cette période, j’occupais un poste de ministre à la Fédération. Je devais alors collaborer avec Jean-Claude Marcourt et Rudy Demotte pendant que mon collègue René Colin travaillait avec Pierre-Yves Jeholet et Willy Borsus. Et, au milieu de tout ça, on retrouvait Alda Greoli, ministre des deux côtés !

Cette forme de politique où certains campent sur leurs positions semble en tout cas vous exaspérer.  

Ça me lasse, en termes de personnalité. Je ne me considère pas comme une personne voulant défendre ses positionnements à tout crin. Je tente d’abord de trouver une ligne moyenne pour permettre d’avancer. Car l’objectif principal reste de faire avancer le pays. Travailler sur des projets, réaliser des changements, veiller au fait qu’ils se déroulent bien pour les réévaluer ensuite restent la base de la politique !

Depuis quelques mois, on retrouve malheureusement des positionnements fort politiques et idéologiques. L’union sacrée connue pendant la pandémie semble loin derrière nous. Tout le monde se repositionne sur son petit pré carré. C’est dommageable car ces positionnements occultent les recherches d’accords politiques. À l’approche des élections, les partis se mettent tous en mode idéologique.

Ces modes de fonctionnement idéologique et des partis traditionnels ne semblent pas correspondre à votre politique. D’ailleurs, votre parti se définit désormais comme un mouvement. En outre, vous vous positionnez au centre de l’échiquier politique. On peut y voir des similitudes avec le macronisme français ?

D’une certaine façon. Les Engagés prônent l’ouverture et se veulent rassembleurs, tout comme En Marche en 2016. Mais, au niveau du positionnement politique, ça semble plus délicat. Le centrisme reste une notion difficile à comprendre. Pour les électeurs, vous appartenez soit à la droite, soit à la gauche de l’échiquier politique. Malheureusement, à l’heure de Twitter et de TikTok, la nuance semble fortement mise à mal. Écrire ses ressentis sur les réseaux sociaux à chaque désaccord comme George-Louis Bouchez, ça n’aide absolument pas !

Les partis du centre se montraient autrefois incontournables. Car ils arrivaient à faire la synthèse politique. Certes, le pilier chrétien aidait beaucoup…Nous ne devons pas nous en cacher. Aujourd’hui cette pilarisation semble se déliter. On l’aperçoit au niveau des syndicats. Ça nous rend malheureusement inaudibles. L’arrivée de Jean-Luc (Crucke, NDLR) nous donne un espoir. Du côté de DéFi, François De Smet ferme la porte pour l’instant. Je ne sais pas grand-chose des tractations, elles se déroulent en haut lieu. Mais au final, nous ne nous trouvons pas encore en 2024. Beaucoup de choses peuvent encore se passer.

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D’ailleurs au sujet des prochaines élections, pensez-vous que l’électeur du CdH va se reconnaître dans Les Engagés ?

Ça passe davantage par les personnalités politiques. Et surtout, les têtes locales. Nous disposons  d’une bonne base de proximité avec des mandataires locaux connus et reconnus. Je ne m’inquiète pas pour ça. C’est pareil pour les sondages. Si on les regarde, les estimations semblent assez négatives. Mais nous obtenons généralement bien plus que les projections de ces sondages.

On ne s’en cache pas, ça va être compliqué ! Notamment à Verviers et à Bruxelles. Le communautarisme y pose problème. Ce phénomène demeure compliqué pour énormément de partis ! Que ça soit Les Engagés, le PS ou Écolo. Il y a, en fait, un aspect fortement communautaire dans la capitale. En politique, on vise avant tout l’intérêt général, mais, malheureusement, des personnes s’inscrivent sur les listes dans le seul but d’intervenir auprès de leur communauté.

Avec seulement cinq députés à la Chambre, quels sont vos objectif pour 2024 ?

Repeser quelque chose politiquement et notamment à la Chambre des représentants. En Province du Luxembourg, à Namur et à Bastogne, nous restons bien présents. Dans le Hainaut, on compte sur l’arrivée de Jean-Luc.

Nous devons rester confiants ! On espère récupérer au moins dix députés fédéraux. Si on n’arrive pas à cet objectif, on le considéra comme en échec ! 2024 sera, à mon avis, notre dernière chance.

Vous ne craignez pas que cette refonte complète du parti ne vous éloigne de votre partenaire historique, le CD&V ?

J’entretiens de bonnes relations avec le CD&V. Lorsque, j’exerçais comme députée à la Chambre, je siégeais à leur côté. J’ai adoré travailler avec eux. Notamment avec Hilde Crevits. Une personne que j’apprécie tant au niveau des valeurs, de la méthode que de l’honnêteté.

Je pense que nous restons sur des lignes proches. Mais, soyons clairs, le CD&V s’est toujours montré plus à droite que nous. De manière globale, Maxime Prévot a pris des initiatives pour conserver le contact avec eux en leur expliquant sur quelles valeurs nous nous alignons.

« La NV-A, oui, le Belang, non ! »

La NV-A et le VB cumuleraient à peu près 46% des voix selon les sondages. Si votre parti se met en coalition avec la NV-A, resterez-vous affiliée aux Engagés ?

La NV-A, oui, le Belang, non ! On se dirige vers une Belgique où nous devrons obligatoirement discuter avec la NV-A.

Ce sera très compliqué de gouverner sans les nationalistes flamands. On l’a vu, avec le MR. C’est possible. Certes, certaines décisions demeurent contestables, mais les deux formations politiques demeurent présentes.

J’appréhende vraiment 2024. Le pays peut devenir ingouvernable à cause des extrêmes. Ces partis mettent des paquets d’argent sur les réseaux sociaux. Si la campagne se joue là, les partis traditionnels vont se retrouver très bêtes car le discours des extrêmes fonctionne sur ces réseaux sociaux.

Nous, les francophones, devons également nous poser les bonnes questions. Et ça passe par la construction d’une force au sud du pays suffisamment importante avant les élections ! Dans le cas contraire, nous virons droit au clash avec les Flamands. Malheureusement, pour l’heure, nous ne disposons d’aucune feuille de route.

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