Coline Grando : se battre pour ne pas voir ses droits balayés


Dans Culture
Shapnam Mougammadou

Débats, témoignages, immersions, archives. Le documentaire de Coline Grando se focalise sur les nettoyeurs·ses de l’Université Catholique de Louvain-La-Neuve. Rencontre avec la jeune cinéaste.

« Il y a peu de différences entre fiction et documentaire. On utilise les mêmes ressorts en termes de narration, et on travaille avec de vrais gens. Pas des comédiens. » Diplômée en Master à l’Institut des Arts et de Diffusion à Louvain-La-Neuve, Colline Grando trouve sa voie dans le documentaire.

La cinéaste travaille sur la mise en lumière des métiers de l’ombre : «  je fais des films sur des métiers de soins, des métiers invisibilisés, dévalorisés et je ne vois pas plus important que de les mettre en valeur ». Elle aime rencontrer, donner la parole aux acteurs.trices de la société.

« Le balai libéré », du mouvement au documentaire

Dans les années 1970, l’UCL emploie une entreprise de nettoyage: ANIC, regroupant plusieurs services. Le travail devient ardu au fil du temps pour les ouvrier.es. En février 1975, la coopérative « Le balai libéré » voit le jour. Femmes de ménages en tête, les protagonistes de cette lutte sociale viennent de différents milieux. Un moment-clé amorce l’autogestion de l’entreprise de titres services pour une durée de 15 ans : la mise à la porte du patron par les employées elles-mêmes.

L’ancienne étudiante souligne l’importance de se rendre compte du travail acharné des technicien.nes de surface : « On ne se demande jamais qui nous permet de travailler dans de bonnes conditions, Moi-même, je ne me suis jamais posé la question : « qui nettoie les locaux de ma fac et dans quelles conditions ? »

Le monde ouvrier comme inspiration, Colline Grando y voit un rappel de ses origines : « Je pensais que ma grand-mère travaillait dans un cabinet médical, comme secrétaire. Elle était femme de ménage. Elle devait en avoir honte

Une réalisation semée d’embûches

Refus de tournage, confinements dûs au Covid... Coline Grando a rencontré beaucoup de difficultés dans la réalisation de son documentaire.

Le principal problème rencontré : le manque d’archives. Un obstacle que la réalisatrice a su résoudre : « je suis allée voir les archives de la CSC, dans un centre qui conserve la mémoire ouvrière ». Appareil photo à la main, elle explique : « j’ai photographié des lettres, des photos, j’avais des bribes d’histoires. Il y avait peu de visuels. « Des morceaux de récit difficilement intégrables dans le film, mais utiles : ça m'a servi de matériel dans les discussions pour lancer les intervenant.es dans le sujet. C’était un support à la parole ».

Entre passé et présent, un documentaire figé dans le temps

Au travers d’images d’archives, le documentaire met en récit les témoignages d’anciennes ouvrières, et ceux de la nouvelle génération d’ouvrier.es. La réalisatrice justifie ce choix : « Je voulais que le film résonne au présent, je voulais que le passé serve de prétexte pour évoquer la pénibilité des conditions de travail ».

Aujourd’hui, elle relève une problématique sociale : l’augmentation de la charge de travail chez les nouveaux travailleur.euses. « Au balai libéré, elles étaient neuf pour un bâtiment. Aujourd’hui, ils sont seuls. » Unanimement, le manque d’efficacité du syndicat n’agit plus comme un levier.

Le Balai Libéré s’illustre comme le moyen de constater la dégradation des conditions de vie et de travail des personnels de l’ombre de l’UCL, grâce aux témoignages du passé.

Les salles obscures des Grignoux accueilleront Le Balai libéré dès le 17 mai.

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