Photos : Marina Quertinmont
Prison, protection, expression. Les murs prennent de nombreuses formes à travers l'Histoire. Physiques, psychologiques, historiques, ils révèlent notre façon de concevoir la réalité.
« Ils ont donc enfermé une population entière, des hommes, des femmes, des enfants... Pour la simple raison qu'ils sont venus au monde ? Et leur naissance était leur crime ? Dans ces murs, ils les ont humiliés, affamés, transformés en fantômes malades, en âmes errantes et désespérées et ce n'était qu'une étape... car ensuite, ils les ont déplacés dans des camps spéciaux pour les exterminés tous ».
Une voix rauque sans nom guide le visiteur tout au long de l'exposition. Amère, dure. Elle rappelle l'évidence : le mur enferme. Des corps, d'abord, entassés comme des animaux dans des wagons en route vers la mort. Prisonniers d'un plan d'extermination nazi et condamnés par l'arbitraire. Des esprits, ensuite, aliénés, capitonnés dans des pièces matelassées.
Kurt Osterreich – Art and Prison e.V
Le narrateur clôt la première partie de la visite par cette mise en garde : « Ainsi, l'avenir nous réserve des lieux plus douloureux que les enfers, plus terrifiants que le royaume d'Hadès, là où le séjour des morts est pire que la mort elle-même. Voilà où mène l'enfermement des Hommes quand on oublie qu'ils sont des êtres humains et lorsqu'on érige la haine en loi de la cité ».
Plus que de simples amas de pierre, de métal ou de brique, les murs détruisent et construisent des idées. L'édifice mural entend. Il sent. Il touche et il voit. Ainsi ne lui resterait-il qu'un sens à maîtriser : la parole. Justement, l'exposition s'engage dans cette voie.
« Les murs ont des oreilles, dit-on ! Nous allons maintenant leur donner la parole »
Construire la mémoire
Un mot chasse l'autre, tout comme une pierre brisée se remplace. La boucle se répète. La muraille s'érige autour de la Cité, comprenons : la société. La fonction du mur, son utilisation, reflète en réalité la vision du monde de ses bâtisseurs.
Chaque brique témoigne de son époque. Elle récite, raconte, se souvient. Des parois préhistoriques ornées de scènes de chasse, aux Mémorials de la guerre du Vietnam, ces édifices convergent vers un but : le besoin de mémoire. Ils marquent le passage de l'être humain, ses espoirs et ses désillusions.
Mur-mémoire des vétérans de la Guerre du Vietnam, USA - Extra Muros
Extra Muros emmène ainsi le spectateur « au-delà des murs », à savoir dans leur essence-même. Plus encore, l'exposition invite à réfléchir en dehors de ce carcan. Elle pose en réalité la question : pourquoi érigeons-nous toujours plus de murs, visibles et invisibles, dans un monde où les clivages ne cessent de croître tout comme les appels à l'unité ?
Pour en prendre pleinement conscience, il conviendrait peut-être de briser le mur pour entrevoir l'horizon.
Infos pratiques :
L'exposition se situe à la gare TGV de Liège-Guillemins. Il est possible de la visiter jusqu'au 1er octobre 2023. Le prix du billet étudiant s'élève à 11€ sous présentation de la carte étudiante.
